A posteriori, la catastrophe ferroviaire de Brétigny-sur-Orge, en juillet dernier, pourrait bien constituer le meilleur argument en faveur du coup de frein au tout TGV donné par le gouvernement qui entend privilégier, dans les années à venir, la modernisation du réseau ferré intercités et régional.
Une semaine avant l’accident, le Rapport “Mobilité 21”, salué par le Premier ministre, avait en revanche jeté un froid sur les rêves de nombreux élus locaux, en repoussant plusieurs projets de grandes infrastructures ferroviaires ou autoroutières. Rhône-Alpes a eu sa part de désillusion.
Le bassin roannais, qui se voyait revenir dans la course économique grâce à la ligne à grande vitesse POCL (Paris, Orléans, Clermont, Lyon ; 500 km et 14 milliards d’euros), a de quoi déchanter. Le Rapport estime que l’horizon de saturation de l’actuelle Paris-Lyon, argument principal du projet POCL qui viendrait soulager cette dernière, est trop incertain pour engager des travaux avant 2030. Mettant en cause les expertises réalisées jusqu’à maintenant, il préconise la mise en place d’un observatoire et de provisions financières.
Quant au TGV Lyon-Turin, son tunnel (50 kilomètres sous les Alpes) avait été écarté du Rapport, car il fait l’objet d’un financement international. En revanche, le projet est concerné pour sa partie française, c’est-à-dire celle qui reliera l’agglomération lyonnaise à la Maurienne (8 milliards d’euros). Or, “Mobilité 21” considère celle-ci comme une “seconde priorité dont l’engagement doit être envisagé entre 2030 et 2050 (…) Compte tenu des incertitudes sur le calendrier du tunnel de base, la commission n’a pas pu s’assurer que les risques de saturation et de conflits d’usage qui justifient la réalisation du projet interviendraient avant les années 2035 à 2040”.
Une position qui n’a pas perturbé les nombreux partisans du Lyon-Turin : lors du récent débat qui s’est tenu dans l’hémicycle du Conseil régional, le président Jean-Jack Queyranne en tête, ils ont redit leur soutien à ce projet européen, économique autant qu’écologique… malgré l’opposition récente, en forme de volte-face, du groupe Europe-Ecologie-Les Verts et de certains élus locaux.
En revanche, “une priorité absolue doit être donnée au traitement du nœud ferroviaire lyonnais”, qui doit “conduire, le cas échéant, à l’aménagement en souterrain de nouvelles voies et d’une seconde gare à Lyon-Part Dieu”. L’hypothèse (1 milliard d’euros) réjouit le député-maire Gérard Collomb.
Quant au contournement ferroviaire de l’agglomération lyonnaise (CFAL : 3,5 milliards d’euros), il est rangé sur les étagères post-2030, tandis que les branches restantes des LGV Rhin-Rhône pourraient bien attendre au moins jusqu’à 2050 !
Si le SNIT (Schéma national des infrastructures de transport) rendu début 2012 avait pu bercer d’illusions beaucoup d’élus, le Rapport “Mobilité 21” leur remet les pieds sur terre. Rattrapés par les réalités budgétaires d’un Etat surendetté, les grands projets ne verront pas tous le jour. En tout cas, pas tous en même temps. En Rhône-Alpes comme ailleurs dans l’Hexagone.
Didier Durand
Bref Rhône-Alpes n° 2127 du 17/07/2013
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