Daniel Anghelone, directeur général de l’équipementier automobile Bontaz (Haute-Savoie), a entamé la diversification de son groupe vers le marché du vélo à assistance électrique (motorisation, freinage).
Stéphane Cande / Bontaz
Avec l'arrivée massive des véhicules électriques, la fabrication automobile évolue radicalement. Et les sous-traitants, très nombreux en Auvergne-Rhône-Alpes, doivent se transformer au plus vite. Certains ont pris la voie de la diversification.
Cette fois, la voiture électrique est vraiment lancée. Si elle n’a longtemps été qu’une promesse, les derniers chiffres publiés par la PFA (Plateforme Automobile) ne laissent plus de doute : de 2,7 % du marché en 2019, elle est passée à 18,3 % en 2021, soit plus de 300.000 véhicules vendus, hybrides compris. Parallèlement, le diesel est en chute libre. Déclenchée par Bruxelles au nom de la lutte contre le réchauffement climatique (fin annoncée de la production des moteurs thermiques en 2035), cette accélération foudroyante en a surpris beaucoup, Luc Chatel (président de la PFA) n’hésitant pas la qualifier de « plus grande transformation de l’histoire de l’automobile ». Les constructeurs, à qui l’on a un peu forcé la main, se sont jetés dans la course à la R & D et aux investissements, et voient arriver de nouveaux acteurs (Google, Amazon, Apple, Sony, Foxconn, Xiaomi, sans parler de Tesla…) sur un marché qui rebat les cartes.
Mais ce tsunami ne doit pas faire oublier les nombreuses interrogations et inquiétudes qui subsistent, en particulier parmi les sous-traitants. Car comme dans toutes les révolutions, les lendemains sont souvent difficiles. Et il y aura des perdants.
Emplois menacés
La question la plus délicate est celle de l’emploi. Les moteurs électriques sont plus simples à fabriquer que les moteurs thermiques et demandent beaucoup moins de salariés. Les suppressions d’emplois se chiffreront en centaines de milliers en Europe d’ici 2040 dont des dizaines de milliers en France. D’autres seront créés, dans d’autres domaines (logiciels, électronique, infrastructures, production de batteries) et d’autres régions. La ministre de l’Industrie, Agnès Pannier-Runacher, vient d’ailleurs d’annoncer un plan de soutien à la sous-traitance de 300 millions d’euros, et de 100 millions pour les territoires menacés. Les entreprises françaises du décolletage, dont les deux tiers sont basés en Haute-Savoie et qui réalisent la moitié de leur activité pour l’automobile, sont directement concernées. Elles devront se diversifier à grande vitesse. Comme Bontaz le fait vers le vélo à assistance électrique. Chez beaucoup d’autres équipementiers comme EFI Automotive ou encore Bosch, qui a acté sa reconversion des injecteurs diesel vers l’hydrogène, la problématique est la même.
Nouvelle dépendance envers la Chine
D’autres questions restent en suspens, qui pourraient freiner l’enthousiasme actuel : réseau de bornes de recharge insuffisant (un peu plus de 50.000 contre 100.000 annoncés fin 2021), prix des véhicules électriques encore élevé pour la plus grande partie de la population, nouveaux besoins d’électricité verte… Quant à notre dépendance pétrolière, elle diminuera, certes. Mais elle sera remplacée rapidement par d’énormes besoins en cuivre et métaux rares. Ces derniers entrent dans la fabrication des batteries et leur production mondiale est aujourd’hui largement contrôlée par… la Chine qui, par ailleurs, ne devrait pas tarder à vendre en Europe des voitures électriques très compétitives. Le virage européen de la voiture électrique est-il trop rapide ? Certains le pensent… sans plus oser le dire.
Cet article a été publié dans le numéro 2481 de Bref Eco.