Samuel Minot : « On n’avait pas vu une telle augmentation des prix des matériaux depuis trente ans. »
Christophe Pouget
Alors que les entreprises du bâtiment ont vécu une année 2020 compliquée débouchant sur une baisse d’activité de 15 %, elles doivent faire face maintenant à un nouveau défi : l’augmentation des prix des matériaux et leur raréfaction. « Une augmentation qu’on n’avait pas vue depuis trente ans », alerte Samuel Minot, président de la Fédération BTP Rhône et Métropole.
Si une pénurie de composants électroniques est annoncée dans certains secteurs, dans le bâtiment, quasiment tous les matériaux seraient touchés par un problème similaire. Le phénomène a débuté fin 2020 avec l’acier ; il s'étend aujourd’hui aux autres produits. Le problème, selon Samuel Minot, provient d’une relative désorganisation de la production et des transports conjugués à l’appétit gargantuesque des États-Unis et de la Chine. « Ce sont des dérèglements mondiaux sur lesquels on ne peut pas agir », regrette le président de la Fédération. La demande est supérieure à l’offre et le premier effet, ce sont des prix qui augmentent.
Patron de l’entreprise caladoise éponyme, spécialisée dans la charpente, Samuel Minot connaît bien le marché du bois. Et il constate que les États-Unis, gros consommateurs de bois français - et actuellement dans une phase de reprise importante de la construction - achètent ces derniers temps le mètre cube à deux ou trois fois son prix ! Certains produits en acier auraient augmenté quant à eux de 40 %. Le prix du cuivre s’est apprécié de 10 %, le zinc de 6,5 %, l’aluminium de 4 %, les produits en polyuréthane de 40 %. Fabriqué localement, le béton serait moins impacté.
Écrasement des marges
« Le problème pour nos entreprises réside dans le fait que les prix des marchés ne sont pas modifiables. Seuls les marchés d’État sont révisables mais cela ne concerne que 5 % de l’activité. » Conséquence immédiate : un écrasement des marges. Comme sa consœur la Capeb (Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment), la Fédération demande donc aux pouvoirs publics d’intervenir afin que la révision des prix soit rendue obligatoire par voie d’avenant lorsqu’aucune clause n’est prévue dans un marché. « Nous avons aussi demandé au ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance Bruno Lemaire de reprendre les ordonnances du printemps 2020 nous permettant de ne pas avoir de pénalité en cas de retard de chantier », indique encore Samuel Minot.
Augmentation des délais
Car, après l’augmentation des prix, le deuxième effet du déséquilibre entre l’offre et la demande, c’est l’augmentation des délais pour obtenir les matériaux. Ainsi, des chantiers pourraient prendre du retard. Et des affaires pourraient être repoussées, entraînant aussi une baisse de chiffre d’affaires. « Certaines entreprises pourraient à nouveau passer en activité partielle », craint le chef d’entreprise. Surtout si l’allongement des délais débouche sur une pénurie.
« Tout le monde a été sauvé de la Covid, les défaillances ont presque disparu, mais les entreprises restent fragiles et ce nouveau problème entraîne des risques encore plus grands. » Quant à savoir s’il y a un effet d’aubaine pour certains fabricants… « Les scieries françaises travaillent à 120 % de leurs capacités, assure Samuel Minot, mais ce n’est pas le cas partout en Europe. »
Cet article a été publié dans le numéro 2453 de Bref Eco.