Avec le report des procédures d'instruction, Samuel Minot craint de voir des chantiers prévus en 2020 être reportés en 2021.
Après les tergiversations sur l’arrêt ou non des chantiers et sur le droit ou non au chômage partiel, le secteur du BTP fait face à un nouveau danger : la suspension et le report de toutes les demandes d’autorisations d’urbanisme. Pour Samuel Minot, président de la Fédération BTP Rhône et Métropole, c’est la catastrophe assurée pour de très nombreuses entreprises.
Bref Eco : Il y a dix jours, vous avez bataillé au sujet du chômage partiel. Où en est-on sur ce point ?
Samuel Minot : Nous avons vécu un début de crise chaotique puisque les ministres nous reprochaient de ne pas faire d’effort pour maintenir les chantiers et nous menaçaient de ne pas nous ouvrir les droits au chômage partiel. Nous avons finalement obtenu ce droit. Bien évidemment, les entreprises doivent tout de même avancer les salaires. Mais il faut reconnaître que le gouvernement a pris des mesures d’urgence très favorables avec des décalages de charges sociales et fiscales. Les banques jouent également le jeu grâce au PGE, le prêt garanti par l’Etat. Il y a donc une aide certaine pour la trésorerie des entreprises à court terme.
On peut aussi estimer que la baisse d’activité diminue le besoin en fonds de roulement et que certaines entreprises se retrouvent même en crédit de trésorerie. Mais à terme, tout ça n’empêchera pas l’arrivée d’un mur de dettes… A ce jour, la majorité des gros chantiers est toujours arrêtée car ils génèrent beaucoup de coactivités difficiles à gérer dans le cadre des mesures sanitaires. Quelques chantiers d’artisans demeurent quand les gestes barrières sont possibles.
Trouver coûte que coûte des solutions chantier par chantier
Bref Eco : Tout ceci devait être clarifié avec la sortie du fameux « Guide des bonnes pratiques », au centre de l’actualité la semaine dernière…
Samuel Minot : Ce guide devait être préparé par les organisations professionnelles, les organisations salariales et le gouvernement sous l’égide de l’OPPBTP (organisme de prévention de la profession, N.D.L.R.). Nous l’attendions le 24. Nous sommes le 31, il n’est toujours pas sorti et je commence à douter de la possibilité d’un consensus. Sans ce guide, reprendre le travail serait très anxiogène vis-à-vis du risque pénal, des difficultés pratiques, des exigences des ministères. C’est un document qui nous permettrait de parler avec les CSE, d’adapter notre document unique, notre PPSPS… bref, de « border » la reprise des chantiers. Tout ne sera pas possible ne serait-ce que par le manque de matériel comme les masques, le gel hydroalcoolique… Et si les contraintes sont très fortes, engendrant des surcoûts importants, la reprise de l’activité pourrait ne pas s’avérer rentable. Mais au moins, chaque entreprise pourra voir comment respecter les préconisations.
Je pense que le guide ne fera pas l’unanimité et que l’on devra le prendre uniquement comme un recueil de préconisations
Je milite donc pour que chacune d'entre elles commence à y réfléchir rapidement. Je pense que le guide ne fera pas l’unanimité et que l’on devra le prendre uniquement comme un recueil de préconisations. En tout cas, il faudra trouver coûte que coûte des solutions chantier par chantier car on ne pourra pas s’arrêter pendant les trois mois que pourrait durer l’état d’urgence sanitaire.
Bref Eco : Vous dénoncez aujourd’hui l’une des ordonnances du 25 mars qui suspend les demandes d’autorisation d’urbanisme…
Samuel Minot : Pour le BTP, le report des délais, c’est la double peine ! Le texte indique que les procédures de permis de construire, de permis d’aménager, les déclarations préalables de lotissement sont arrêtées et pourraient être reportées d’un mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire. Si l’état d’urgence sanitaire dure encore deux mois, cela crée un décalage d’instruction de trois mois sachant qu’il faut ajouter encore un délai de recours supplémentaire de deux mois pour tous les permis non purgés au 12 mars. On ne peut pas admettre cela.
Assurer une continuité minimale des procédures de manière dématérialisée
Bref Eco : Le gouvernement a donc pris des mesures de court terme pour les trésoreries. A moyen terme, c’est-à-dire à l’issue de la crise, vous pourrez reprendre les chantiers déjà engagés. C’est donc pour après que vous craigniez un trou d’air…
Samuel Minot : Pour les gros dossiers, effectivement, cela va générer des décalages énormes avec des chantiers qui ne pourront démarrer avant début 2021 ! Sans parler du second œuvre. Et pour certains professionnels comme les constructeurs de maisons individuelles, c’est plus grave car ils travaillent à flux tendu et n’ont pas de dossier en cours.
Bref Eco : Que proposez-vous ?
Samuel Minot : De modifier l’ordonnance pour ne pas ajouter un mois de délai après la fin de l’état d’urgence sanitaire. Et d’assurer une continuité minimale des procédures de manière dématérialisée. On ne comprend pas pourquoi toute l’administration est à l’arrêt alors que ces dossiers peuvent être gérés en télétravail. Nous avons déjà vécu un ralentissement avec les échéances électorales. Il ne faut pas suspendre les instructions !