Nicolas et Jean Pivard, dirigeants de l’EPV Fayol.
En exagérant un peu, on pourrait faire remonter l’histoire des fours à bois Panyol… aux Romains. Une chose est sûre : l’argile de Tain-l’Hermitage, en vallée du Rhône, est un trésor qui a traversé les siècles pour faire le bonheur de Fayol, labellisée Entreprise du Patrimoine Vivant, et des gourmands du monde entier.
La « terre blanche » de Larnage, un village voisin de Tain-l’Hermitage, est issue d’un phénomène géologique rare. Les Romains en façonnaient déjà des céramiques culinaires. Mais c’est en 1840 que l’histoire de ce petit trésor a repris de la vigueur avec l’industrialisation de la transformation de cette argile blanche. Pendant près d’un siècle, cette matière réfractaire sera utilisée pour fabriquer des fours à bois de boulangers, sous forme de briques cuites résistant à de hautes températures. Les années 1950 et l’arrivée des fours électriques sera fatale aux fours à bois. Jacques Fayol, qui reprend l’activité de la principale usine de Tain en 1962, vendra alors ses briques aux fabricants de cheminées et autres barbecues. À son décès au début des années 1980, l’entreprise Fayol est à vendre. Jean Pivard, expert-comptable de 29 ans en mal de reconversion, décide de quitter Lyon pour reprendre une affaire peu florissante d’une dizaine de personnes.
Fours professionnels et fours grand public
« Quand j’ai décidé de reprendre Fayol, j’ai dû racheter la totalité des actifs : l’usine et la carrière de dix hectares », se souvient Jean Pivard qui, après une période de prise en main, va donner un coup de fouet à la belle endormie. Au début des années 1990, son intuition se porte sur la mode naissante du « do it yourself » et de la cuisine faite maison. L’idée qui en découle va donner naissance à la marque Panyol : un petit four à bois familial, pour les pizzas mais aussi les viandes ou les poissons. Le Panyol, à installer soi-même dans son jardin ou sur sa terrasse, est composé de pièces préformées en terre blanche cuite, à assembler comme un jeu de construction, sans aucun liant. Avec la crise de 2008, le marché s’effondre. Jean Pivard va revoir, cette fois, sa stratégie commerciale : « Nous avons décidé de nous passer de notre réseau habituel, grandes surfaces de matériaux et agents commerciaux, pour faire de la vente en direct. Qui mieux que nous pouvait vendre nos produits ? » Mise en place d’une équipe commerciale, communication, visibilité sur les réseaux sociaux, site Internet de vente bien référencé : « c’est en nous rapprochant de notre clientèle que nous avons créé ce qui est aujourd’hui un produit phare de la gamme Panyol : le four Sérénité, installé sur une structure métallique, évitant au client tout travail de maçonnerie préalable. »
La crise du Covid a boosté les ventes
Avec Sérénité, le Panyol, coloré, devient un produit design. La croissance reprend, à un rythme de 10 % par an, jusqu’en mars 2020, l’heure du Covid qui va se traduire pour Fayol par… un véritable tsunami de commandes. « Le confinement a joué en notre faveur. Comme le bricolage, nos fours ont répondu à un besoin d’équipement de la maison. En 2020 et 2021, nos ventes ont affiché 40 % de croissance annuelle ! » Mille fours ont été vendus l’an dernier, pour un chiffre d’affaires de 5 millions d’euros, dont près de 55 % avec les fours pour les particuliers. Les restaurateurs et les boulangeries traditionnelles sont restés, eux, de bons clients. À la tête d’une entreprise d’une trentaine de salariés, Jean Pivard affiche sa fierté : « Nous exportons 40 % de notre production en Europe, aux Etats-Unis, au Japon ou encore en Afrique du Sud. Car notre matière première a des qualités inégalées. »
Transmission en cours
Chez Fayol, l’heure est à la transmission. Nicolas Pivard a fait son entrée dans l’entreprise en 2017, après un début de vie professionnelle dans l’ingénierie automobile. Comme son père, il conserve une vision raisonnable et de long terme de l’entreprise. « La carrière de terre blanche sur laquelle repose notre activité a théoriquement 70 ans devant elle, au rythme actuel d’exploitation. Nos ressources sont donc limitées. Il n’est pas question de faire de la croissance pour la croissance, du profit pour le profit. Nous devrons donc trouver des applications à valeur ajoutée. » Ici, les discours sont teintés d’un respect total du patrimoine hérité de la nature : la terre, l’eau et même… le mistral qui fait aussi son œuvre de séchage des briques.
Cet article a été publié dans le numéro spécial 2500 de Bref Eco.