Hervé de Malliard : " Je crois en ce scénario dans lequel on se réveille et l’on constate que l’industrie est fondamentale pour le pays."
Ingénieur mécanique et diplômé d’EMLyon, Hervé de Malliard affiche un solide parcours international. Depuis 2010, il dirige l’entreprise MGA Technologies à Civrieux-d’Azergues (Rhône). Il est également président régional des Conseillers du Commerce Extérieur (CCE) et anime La French Fab. Il nous parle de la crise, de ses initiatives et de l’après.
Bref Eco : Comment avez-vous vécu le confinement chez MGA Technologies ?
Hervé de Malliard : En tant que CCE et grâce à mes nombreuses relations internationales, j’avais senti venir la menace. J’ai donc réfléchi dès le mois de février à la préparation de mesures que j’ai mises en place à partir du 2 mars. Télétravail pour le personnel de bureau, gestes barrière pour les ateliers, distribution de masques, suspension des visites de tiers et des déplacements et renforcement du nettoyage. Le tout accompagné d’une communication renforcée : pauses-café virtuelles quotidiennes, newsletters hebdomadaires, communication clients sur le maintien d’activité… Nous n’avons pas arrêté de travailler car nous sommes positionnés sur des cycles longs avec des carnets de commandes à plusieurs mois. La seule difficulté qui s’est présentée se situait plutôt du côté de nos fournisseurs. Comme nous fabriquons des machines pour la pharmacie et le médical, il était de notre devoir d’être là. Des clients nous ont d’ailleurs sollicités pour la maintenance ou même pour des installations.
Bref Eco : Avez-vous enregistré de nouvelles commandes pendant la crise ?
Hervé de Malliard : Oui, nous avons reçu deux commandes remarquables. L’une pour une machine de fabrication de tests pour le Covid. L’autre pour assurer et tester un dispositif médical de réanimation. Le carnet de commandes habituel affiche cependant un niveau moyen. Je m’attends à un tassement. Notre clientèle habituelle est constituée de grands groupes qui ont peu de visibilité sur les investissements. C’est surtout le cas pour les Français qui ont davantage arrêté leur activité que les étrangers.
Bref Eco : Comment avez-vous procédé pour les opérations de maintenance, de test et les installations sur site ?
Hervé de Malliard : Nous nous sommes réorganisés. Les tests des machines par les clients peuvent durer plusieurs semaines parfois. Nous avons fait nous-mêmes ou par vidéo tout ce qui n’est pas critique, pour limiter la venue des personnes extérieures. Tout a été plus digitalisé et nous conserverons ces nouvelles méthodes pour l’avenir. La crise force à la créativité !
Bref Eco : Cette crise vous a-t-elle poussé à repenser d’autres choses ?
Hervé de Malliard : Avec le creux de charge, nous avons pris la décision de rénover un atelier et ses équipements. Un investissement non prévu de 200.000 euros. Nous avons aussi lancé une démarche de certification ISO-13485 et accéléré sur le marketing digital car je pense que c’est l’avenir.
Bref Eco : Croyez-vous à ce « nouveau monde » dont on parle ? Relocalisations, démarches plus responsables, plus écologiques…
Hervé de Malliard : Oui, je crois que cela va changer. Car la crise exacerbe les tendances précédentes : digitalisation des affaires et du travail, transition énergétique, investissements responsables, circuits courts, consommations plus respectueuses des écosystèmes… Les consommateurs vont être plus attentifs à l’origine des biens qu’ils achètent et cela poussera les industriels à revoir leur stratégie. Il s’agira de produire plus près, dans des usines plus respectueuses de l’environnement. Je pense réellement qu’il y aura une prise de conscience sociétale salutaire. La crise aurait pu être encore plus grave : il faut la prendre comme un signal d’alarme. Et je crois en ce scénario dans lequel on se réveille et l’on constate que l’industrie est fondamentale pour le pays.
Bref Eco : Quelle a été l’action des Conseillers du Commerce Extérieur pendant la crise ?
Hervé de Malliard : Nous avons édité un document de témoignages de conseillers expliquant leurs bonnes pratiques pour une stratégie de rebond gagnante. C’est une sorte de recueil de trucs et astuces. Du côté de La French Fab, j’ai proposé la création d’un portail Covid-19 sur le site Web permettant de recenser et présenter les produits des industriels français pour lutter contre le virus.
Son parcours
- Hervé de Malliard démarre sa carrière Pékin où il reste 5 ans et commence par superviser les opérations chinoises du groupe finlandais Metso Minerals qui fournit des concasseurs pour les mines et les carrières.
- En 1996, il rejoint le groupe De Dietrich où il conduira pendant 10 ans de nombreux projets de développement international pour les divisions chaudières et équipements industriels : implantation industrielle à Wuxi, ouverture de bureaux à Moscou et Bombay, création de filiales en Irlande, acquisitions en Allemagne, UK, Benelux, Afrique du Sud, licence technologique au Japon, fusion aux Etats-Unis…
- En 2006, il rejoint Boccard à Lyon pour diriger la division Food-Pharma.
- En 2010, il reprend MGA Technologies, fabricant de machines sur-mesure pour les grands comptes des industries pharmaceutiques, médicales et mécaniques.
- Début 2017, il diversifie MGA Technologies avec des bancs de tests.
- En 2018, il reprend ATG Technologies, spécialisée dans les îlots robotisés, la vision et la robotique collaborative.
Cet article a été publié dans le numéro 2415 de Bref Eco.