Sylvain Boccon-Gibod, président de la Compagnie régionale des commissaires aux comptes de Lyon, espère la création d'un audit facultatif.
Jean-Luc Mege Photography
La loi Pacte, qui devrait être promulguée dans les jours prochains, entérine une modification des seuils obligeant ou non les entreprises à mandater un commissaire aux comptes. Le nombre de mandats devrait chuter de 70 %. Pour Sylvain Boccon-Gibod, président de la Compagnie régionale des commissaires aux comptes de Lyon, la réforme n’est bonne ni pour la profession, ni pour les entreprises.
Jusqu’ici, les entreprises dont le chiffre d’affaires était supérieur à 2 millions d’euros, devaient faire certifier leurs comptes par un commissaire aux comptes. Avec la réforme, ce seuil passe à 8 millions d’euros. « Le gouvernement veut générer des économies pour les PME. Cela représente environ 5.500 euros par an et par entreprise », explique Sylvain Boccon-Gibod, président de la Compagnie régionale des commissaires aux comptes de Lyon (Rhône, Loire, Ain, soit 900 professionnels). « Le seuil choisi est celui conseillé au niveau européen mais les Etats qui s’y sont déjà engagés sont en train de faire machine arrière comme l’Italie et bientôt les pays nordiques. Cela crée trop d’anomalies et même une diminution des impôts… Et dans les pays anglo-saxons qui maintiennent ce seuil haut, on voit bien que les scandales financiers s’enchaînent » précise-t-il encore.
75 % d'entreprises auditées en moins
On l’aura compris, cette réforme ne plaît pas aux commissaires aux comptes. Et pour cause : « Dans le pire des scénarios, il ne restera que la moitié des commissaires aux comptes » prophétise Sylvain Boccon-Gibod. Difficile en réalité de le prévoir, tant la typologie de clientèle des cabinets peut être différente. Sur Lyon, la moitié des cabinets ne devrait plus avoir de mandats. Au niveau régional, la base de 20.000 entreprises auditées va fondre de 75 % à l’issue du processus (les mandats en cours, qui durent six ans, ne sont pas remis en cause). Le président redoute en conséquence une concentration de l’activité au sein des grands cabinets.
En contrepartie de ces changements, les commissaires aux comptes obtiennent le droit de proposer de nouvelles missions comme les déclarations fiscales. « Une même entreprise pourra alors conseiller et auditer, cela ne peut pas tenir ! Cela remet en cause le caractère indépendant du commissaire au compte et son travail d’intérêt général. »
La sincérité des comptes remise sen cause ?
Au-delà du Big Bang prévu au sein de la profession, Sylvain Boccon-Gibod estime que de nombreuses entreprises n’ont rien à y gagner. La concentration mènera selon lui in fine à une augmentation des prix, et surtout, à une perte de confiance des clients, fournisseurs et investisseurs des entreprises qui n’auront plus de certitudes sur la santé de leur partenaire économique.
Un espoir cependant : que les décrets d’application de la loi créent une sorte d’audit facultatif, avec des niveaux de contrôle adaptés à la taille des entreprises ; et qui constituerait une sorte de label. « Une façon de réaffirmer l’indépendance du commissaire aux comptes. » Et de maintenir un marché qui était jusqu’ici en croissance.