Martine Collonge est actuellement déléguée régionale de l’AFFO (Association Française du Family Office) en Auvergne-Rhône-Alpes et présidente de Collonge Conseil.
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Doit-on opposer le « temps long » des entreprises familiales au « temps court » des entreprises cotées en bourse ? Pour Martine Collonge, qui connaît parfaitement les entreprises régionales cotées et leurs dirigeants, la réponse est catégorique : c’est non !
Arrivée à la bourse de Lyon en 1980, Martine Collonge dirigeait la délégation régionale de NYSE Euronext Lyon lors de sa fermeture en 2009. Elle a quitté son poste de déléguée générale de Lyon Pôle Bourse l’an dernier. Elle est actuellement déléguée régionale de l’AFFO (Association Française du Family Office) en Auvergne-Rhône-Alpes et présidente de Collonge Conseil.
Dans l’esprit du public, la bourse, c’est le règne du « temps court » : les investisseurs y achètent et vendent des actions quand ils le veulent…
Martine Collonge : Il y a plusieurs types d’investisseurs qui ne voient pas les choses de la même façon : les particuliers, très minoritaires en France ; les family offices qui gèrent des patrimoines familiaux ; et les fonds d’investissement qui placent l’argent qui leur est confié. Mais lors de l’entrée en bourse d’une entreprise, les investisseurs, quels qu’ils soient, attendent d’elle une stratégie claire et de long terme ! S’ils ne sont pas convaincus, ils ne seront pas acheteurs.
Ils ne raisonnent donc pas toujours à court terme ?
Martine Collonge : Non. Les particuliers, qui investissent en direct, sont plutôt fidèles. Les institutionnels (fonds d’assurance, retraite) sont opportunistes mais ne raisonnent pas forcément sur du court terme puisqu’ils disposent de liquidités investies sur le long terme. Les fonds de type SICAV, agissant pour le compte d’investisseurs privés, doivent prendre en compte les entrées et sorties des investisseurs du fonds. De ce fait, ils doivent toujours garder une poche de liquidité voire réaliser des ventes en cas de sorties importantes des investisseurs privés. Plus stables, les family offices ont d’autres convictions. Ce sont aussi le plus souvent des partenaires de proximité.
Entrer en bourse, ça change quoi, dans la vie d’un dirigeant de PME familiale ?
Martine Collonge : En bourse, contrairement à ce que l’on peut penser, le dirigeant d’une PME familiale est plus autonome dans ses décisions. Exemple avec cette société industrielle stéphanoise cotée, qui avait annoncé le rachat d’une société aux États-Unis, une décision bien accueillie par la bourse, avant de changer d’avis face à une opération qu’il ne « sentait » plus. La bourse a sanctionné ce revirement, le cours a baissé, le temps que le marché s’aperçoive qu’il avait sans doute eu raison. Et l’action a fini par reprendre des couleurs. Jean-Michel Bérard, le fondateur d’Esker, me disait récemment : « Je préfère avoir plusieurs milliers d’actionnaires plutôt que deux ou trois qui me soufflent chaud dans le cou. »
La bourse, c’est une carte de visite à l’international
La bourse génère pourtant une pression particulière…
Martine Collonge : La communication financière régulière et normée est une contrainte, mais parfois moins forte qu’avec le private equity dont le reporting peut être lourd. Elle a un coût, certes, mais a beaucoup d’avantages. Elle accroît considérablement la notoriété et la crédibilité de l’entreprise dont on parle alors régulièrement dans la presse. La bourse, c’est une carte de visite à l’international, pour une entreprise qui veut se développer dans une partie du monde. Le fait d’être cotée est rassurant pour ses interlocuteurs. Idem pour les recrutements : une entreprise est plus attractive quand elle est cotée.
Mais la transparence exige du dirigeant beaucoup de temps passé à communiquer…
Martine Collonge : Oui mais, globalement, comme me l’ont dit de nombreux dirigeants, la pression du marché est positive. La cotation est structurante. Les analystes qui vous interrogent vous font réfléchir, voire vous poussent à vous remettre en cause dans de multiples domaines : stratégie, organisation, juridique, gouvernance… Comme me disait un autre dirigeant de société cotée : « Le marché est agaçant mais, à la sortie, il a toujours raison. »
Cet article a été publié dans le numéro spécial 2500 de Bref Eco.