Laurent Surbeck : "payer pour un contenu plaisir, de qualité, thématique et adapté à ses propres goûts personnels relève désormais d’une certaine normalité"
DR / Montagne TV +
Laurent Surbeck, dirigeant de Montagne TV (Annecy), a lancé sa plateforme de vidéo à la demande : Montagne TV +. Il en est convaincu : ce type de media, qui correspond aux nouvelles habitudes de consommation, a un boulevard devant lui.
Bref Eco : Pourquoi un tel engouement pour la vidéo à la demande ?
Laurent Surbeck : Avec le confinement, la SVOD (service de vidéo à la demande par abonnement) a explosé. Certes, les ménages avaient plus de temps « disponible » à passer devant les écrans. Mais je pense que la tendance traduit plus que cela : le public, qui a pris le temps de s’abonner massivement aux plateformes de SVOD, a affirmé sa volonté d’accéder à des programmes « qu’il souhaite, où il le souhaite, quand il le souhaite » pour quelques euros par mois ou par an.
Bref Eco : Les chaînes gratuites ne sont plus suffisantes ?
Laurent Surbeck : Désormais, les Français consentent sans difficulté à payer un abonnement : payer pour un contenu plaisir, de qualité, thématique et adapté à ses propres goûts personnels relève désormais d’une certaine normalité. Finalement, la SVOD se développe en même temps que les habitudes de consommation audiovisuelle des Français évoluent. Qui aujourd’hui accepte encore d’être contraint, à 20h50, de se retrouver face à son poste de télévision pour regarder un film tel jour, un feuilleton le lendemain ou une émission de téléréalité le jour suivant, selon une grille de programme bien éprouvée et structurée pour toute une saison de septembre à juin ? La génération Z ne peut pas le concevoir, elle qui passe son temps à zapper d’une vidéo à l’autre sur un réseau social pendant qu’elle chatte sur un autre.
Bref Eco : C’est donc une question de génération ?
Laurent Surbeck : Pas seulement. Ces nouvelles habitudes semblent peu à peu être adoptées par les générations antérieures dont les modes de vie ne sont plus organisées comme jusqu’au début des années 90 où l’on regardait en couple ou en famille des programmes conçus pour un seul écran dans le salon, « la family room » des Américains.
Bref Eco : Quelles réponses apporte la Video On Demand au mode de vie actuel ?
Laurent Surbeck : Les plateformes de SVOD répondent à un triple besoin de détente, de facilité d’accès, via tous les types d’écran disponibles, et d’adaptabilité à l’emploi du temps de chacun. Les contenus télévisuels interviennent comme un sas de décompression de l’esprit. Mais pour ce faire, chacun souhaite regarder un contenu pertinent pour soi-même et pour soi seul, adapté à ses centres d’intérêt exclusifs. Pourquoi s’en priver quand chacun dispose de son propre écran pour le visionner, de son smartphone à son ordinateur portable en passant par son poste de télévision présent dans presque chaque chambre ?
Bref Eco : L’aspect pratique donc, et les affinités pour tel ou tel type de programme…
Laurent Surbeck : Oui, cela explique la recrudescence de plateformes thématiques (horreur, documentaires, voile, chasse & pêche, yoga, thématiques LGBT…) aux antipodes du vieux modèle du mass media. Les abonnés paient pour de la qualité et du sur-mesure. A contrario de ce qui a fait le succès de Youtube en 2008, où chacun s’était découvert une fibre de producteur d’info avec une espèce de « prime au gratuit » et des vidéos proposées à tout-va par les internautes ; des années plus tard qu’en reste-t-il ? Une population qui veut des contenus de qualité et une éditorialisation des programmes. C’est sur ce point que la SVOD thématique s’engage et se démarque.
Bref Eco : Mais ces plateformes thématiques payantes parviendront-elles à se faire durablement une place dans le paysage audiovisuel, notamment face aux mastodontes comme Netflix ?
Laurent Surbeck : Les plateformes qui tireront leur épingle du jeu sont celles qui sauront apporter un contenu singulier et inédit à des cibles qui n’ont pas, jusqu’alors, été séduites par les offres déjà proposées. À tel point que les plateformes SVOD aujourd’hui sont celles qui vont contribuer demain, au moins autant que le cinéma, au renouvellement de la création audiovisuelle, secteur où la France joue les premiers rôles depuis 35 ans. La SVOD thématique est la solution pour se distinguer des Netflix et autres.
Partout où il existe une communauté d’audience suffisante autour d’une thématique, il y a un marché de passionnés de sujets confidentiels ou non exploités. Encore faut-il veiller à une offre de programmes crédibles, pointus et légitimes pour les plus connaisseurs tout en demeurant accessibles aux moins avertis.
Bref Eco : Selon vous, la VOD a donc un grand avenir ?
Laurent Surbeck : J’en suis persuadé. Je fais même ce pari : demain, les chaînes de télévision thématique deviendront elles aussi des plateformes SVOD.