Le Rhône entre dans le lac Léman par le canton suisse du Valais... puis en ressort à Genève en direction de la France.
© DD
« Le Rhône, un jour à sec ? » Provocateur, le titre de la récente conférence de l’association franco-suisse Courant 812, qui s’est tenue au musée des Confluences (Lyon) le 7 juin, a rapidement trouvé une réponse.
À l’heure du changement climatique et de l’augmentation des températures, l’évolution du débit du Rhône est surveillé de près. Pour le bassin versant, son environnement et ses acteurs économiques (zones humides, nappes souterraines, biodiversité, population, entreprises et activités industrielles, production nucléaire et hydroélectrique, navigation, irrigation…), c’est un enjeu majeur :
Alors, un jour à sec, le Rhône ? Gilles Mulhauser, directeur général de l’Office Cantonal de l’eau de Genève, répond d'emblée avec humour : « C’est un peu comme lorsque les Gaulois se demandaient si le ciel allait leur tomber sur la tête ». A priori donc, pas d'inquiétude majeure sur ce sujet. Mais d'autres questions se posent. Et la pirouette verbale n’empêche pas une réflexion profonde sur l’avenir du fleuve qui, sur 812 kilomètres, prend sa source en Suisse et irrigue la France jusqu’à la Méditerranée.
Des précipitations globalement stables mais plus irrégulières
On le sait, on le voit : le réchauffement climatique a un effet sensible sur les glaciers alpins qui perdent, année après année, de l’épaisseur. « On pourrait perdre tous nos glaciers d’ici 2 100 mais si on travaille bien, on pourra en conserver 40 % », explique Gilles Mulhauser. Le Rhône prenant sa source au glacier suisse de la Furka, quid de la pérennité du fleuve au cours des décennies à venir. Heureusement, le fleuve est alimenté par beaucoup d’autres rivières (Saône, Ain, Ardèche, Drôme, Durance, Gard…) son glacier originel constituant un apport minoritaire : son débit moyen est de 250 m3/seconde à la sortie du lac Léman, et de 1 800 m3/seconde côté français.
Au cours des décennies à venir, les précipitations annuelles (pluie et neige) devraient rester stables, globalement, comme elles le sont depuis 60 ans selon une étude de l’Agence de l’Eau sortie en 2023. En revanche, elles seront très variables d’une saison à l’autre, davantage que maintenant, avec des périodes de fortes pluies l’hiver et de plus grande sécheresse l’été. Du coup, l’écoulement des eaux ne sera plus le même, les pluies violentes, par exemple, nourrissant moins le sol que la lente fonte des neiges.
Évaporation plus importante
Ces précipitations très inconstantes seront doublées, à cause du réchauffement climatique, d’une augmentation de la température ambiante et donc d’une évaporation plus importante des eaux du Rhône. Selon la même étude de l’Agence de l’eau, sur soixante ans, le débit moyen du Rhône en été a diminué de 7 % à la sortie du lac Léman et de 13 % en Camargue. Toujours en été, la température de son eau a augmenté en moyenne de 2,2 degrés près de la Suisse et de 4,5 degrés près de la Méditerranée.
La Suisse, château d’eau de l’Europe, pourrait-elle fermer le robinet ?
En revanche, une diminution du niveau du Rhône pourrait venir d'un accroissement de ses différents usages : rafraîchissement urbain, loisirs, eau potable, irrigation agricole… Sans parler du projet de canal qui viendrait pomper une partie du bas-Rhône pour lutter contre la sécheresse dans les Pyrénées orientales (prolongation de l’aqueduc Aqua Domitia jusqu’à Perpignan).
La deuxième question posée par l’association Courant 812 par son facétieux président Thierry Baglan, « La Suisse pourrait-elle un jour couper le robinet ? », reste tout aussi sérieuse sous ses abords provocateurs. Rappelons que c’est pour lutter contre les inondations que les autorités de Genève ont inauguré en 1995 leur barrage du Seujet qui régule à la fois le niveau d’eau du Léman et les débits du Rhône et de son affluent l’Arve (qui prend sa source en Haute-Savoie et rejoint le Rhône à Genève). D’où le rôle de « robinet » qui lui est attribué. D’où aussi son influence possible sur l’aval du Rhône français, dans un avenir marqué par une grande variabilité des débits. Une question d’hydrologie assez sensible pour faire l’objet d’un accord-cadre franco-suisse en cours de signature.