Marc Halevy
DR
Dans Bref Eco, Marc Halevy avait déjà exprimé son point de vue sur la période de crise civilisationnelle en cours. Pour lui, il faut « seulement comprendre que l’humanité a été trop loin et qu’elle doit impérativement changer son scénario de vie dont le mot-clé n’est plus progrès mais frugalité ». Le philosophe et physicien analyse et commente ici l’ouvrage paru dernièrement sous la plume de Julien Vidal et intitulé : « 2030 Glorieuses » (1). Nous vous livrons ci-dessous son texte original.
« Face à l'immense problématique écologique d'aujourd'hui, deux attitudes sont possibles : celle de l'approche idéologique écolo-gauchiste qui est celle prise par l'auteur de « 2030 glorieuses », et celle de l'approche scientifique et réaliste qui est la mienne. Comment s'y retrouver ? Comment se faire une opinion sérieuse et durable, pour en finir avec les gadgets, les anecdotes, les racontars, les « miracles » et les utopies ?
Le problème est la transition entre une logique d'abondance (celle des 19ème et 20ème siècles) et une logique de pénurie (qui commence aujourd'hui). Le dogme de la croissance matérielle (donc en termes de consommation et de possession) est désastreux. Il faut y substituer d'autres formes de croissance (car aucune espèce animale ne vit pour se laisser dépérir). En face de la croissance matérielle qui doit décroître, il faut placer toutes les croissances immatérielles qui consomment du temps, de l'énergie mentale, de l'intelligence, de la sensibilité, etc. et qui apportent infiniment plus de Joie que le soi-disant plaisir de pouvoir se goinfrer de tout et de n'importe quoi.
L'économie se fiche de ce basculement, pourvu qu'il reste une croissance de quelque chose qui pourra induire de la richesse (pas seulement financière), de la prospérité (pas seulement tangible) et de la créativité (inventer de nouveaux services dont les gens ont ou auront besoin pour vivre autrement).
L’économie de marché et l’écologie réelle n’ont rien de contradictoire
Tout le leitmotiv du livre de Julien Vidal tient en ces quelques lignes :
« Oui, il y a bien un plan B à l'économie de marché. Il y en a même plusieurs et ces nouvelles perspectives seront adaptées aux territoires, régénératrices des écosystèmes , garantes des libertés; véritables véhicules de solidarité entre les peuples et les espèces ».
L'ennemi est désigné : l'économie de marché. Mais aucune alternative n'est proposée parce qu'il n'y en a qu'une, l'économie planifiée, et on sait ce que cela a donné : des centaines de millions de morts en URSS, en Chine, au Cambodge, à Cuba, au Vénézuela et dans tous les autres pays communistes.
La contradiction est flagrante : détruire la liberté entrepreneuriale et économique pour « garantir les libertés ». Un comble !
Il faut le répéter et le souligner : l'économie de marché et l'écologie réelle n'ont absolument rien de contradictoire. Car l'économie libre produit ce que les masses lui demandent. Mais il faut le marteler : beaucoup d'entreprises – bien plus que les ménages – font de gros efforts depuis des années pour produire proprement, recycler leurs déchets, réduire leurs pollutions et optimiser leur consommation d'énergie et de matières premières. En revanche, la plupart des ménages (la masse de gens, donc) n'ont pas cette conscience et cette fibre écologiques. « Du pain et des jeux » (en grande quantité et à bas prix), d'abord … le reste ensuite ; les masses se fichent éperdument de l'écologie (sauf en parole car elles aiment pérorer à vide), ce qui n'est absolument pas le cas des élites cultivées et aisées qui, elles, sont pleinement sur les voies écologues.
La meilleure preuve en est que la démocratie au suffrage universel relègue le candidat écolo à quelque 4 % des intentions de vote.
Quelles nouvelles perspectives ?
Mais il y a ces fameuses "nouvelles perspectives, adaptées aux territoires et régénératrices des écosystèmes". Ah oui ? Lesquelles ? Avec quel argent ? Sous la houlette de quelle autorité ? Comment gèreront-elles leur rejet massif par le peuple ?
L'écologie vraie repose sur trois piliers :
- la décroissance démographique : partout et surtout en Afrique noire, dans les pays musulmans et en Inde, descendre sous la barre des 1,7 enfants vivants par femme, afin d'être moins de deux milliards d'humains sur Terre avant 2200 (c'était la population mondiale autour de 1925) ;
- la frugalité consommatoire : ne consommer que le strict nécessaire et éliminer tous les superflus, ne presque plus se déplacer, mettre les thermostats à 18°C le jour et 14°C la nuit, éliminer les conditionnements d'air, isoler les bâtiments, manger beaucoup moins (notamment de viande sauf pour les enfants en croissance), ne pas partir loin en vacances, refuser les effets de mode, user ce que l'on a, refuser le « tout jetable », réparer et recycler les outils et appareils, négliger le « joli » et favoriser l'utile…
- des entreprises, usines et industries « propres », économes et optimisées quant à toutes leurs consommations d'énergies, de matériels, de matières et de matériaux.
L'écologie n'est pas de « gauche » ! Ni de « droite » d'ailleurs. Elle n'a rien à voir avec les querelles intestines de l'humanité quant à savoir qui sont les gentils et qui sont les méchants, qui sont les « riches » (et de quoi sont-ils riches ?) et qui sont les « pauvres » (en quoi ?), qui est « juste » (par rapport à quoi ? et qui ne l'est pas, etc.
L'écologie est l'affaire de la Vie sur la Terre, Vie dont l'humanité ne constitue qu'une espèce singulière, particulièrement parasitaire, prédatrice et destructrice.
Les pires ennemis des écologues, seuls capables de sauver la planète, ce sont les écolo-gauchistes ».