Sur la piste d'essais de Transpolis, un utilitaire roule tout en rechargeant les batteries de son moteur électrique, grâce à une alimentation intégrée à la chaussée.
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À quand des poids lourds à moteur électrique qui pourraient recharger leurs batteries sans s’arrêter ? Peut-être pour bientôt. C’est ce qui ressort des expérimentations menées à Transpolis, site d’innovation consacré aux nouvelles mobilités, par un consortium public-privé (1).
Entre la plaine de l’Ain et la Dombes, au sein du discret centre d’innovation et de tests Transpolis, le consortium constitué pour développer une route électrique vient de présenter ses dernières avancées. Au terme d’une première phase de test réalisée avec succès par un véhicule prototype, sur une piste de 2 km aménagée sur 420 m par une alimentation électrique, les résultats sont jugés « très favorables ». Ils permettent d’envisager une deuxième phase d’essais en conditions réelles : ATMB (Autoroute du Mont Blanc) aménagera d’ici 2027-2028 un tronçon de 1 kilomètre de route électrique sur la RN qui mène à Chamonix, au niveau des Houches. Le système pourra ainsi être éprouvé en contexte de montagne et en conditions hivernales.
Mais de quoi s’agit-il ? Patrick Dupraz, directeur R&D chez Alstom chargé du projet eRoad Mont Blanc, refait un peu d’histoire : « Un système d’alimentation électrique par le sol (APS) est en exploitation commerciale sur le tramway de Bordeaux depuis déjà une vingtaine d’années. En 2012, nous avions aussi travaillé avec Volvo Trucks, en Suède, sur le sujet. Les années suivantes, nous avons développé des solutions d’APS sur deux petites pistes dans les Vosges et à Nantes. Mais depuis 2022 et l’appel d’offres France 2030 qui suggérait d’accélérer fortement les recherches sur l’APS, les expériences menées à Transpolis sont d’une autre ampleur ».
Un patin nécessaire sous la carrosserie du véhicule
Sur la piste de Transpolis, le système repose une alimentation électrique composée de segments métalliques conducteurs reliés par des câbles et insérés dans la chaussée. L'ensemble distribue une puissance électrique capable de recharger les batteries d’un véhicule lourd (semi-remorque, autocar ou utilitaire) en mouvement. La route est elle-même raccordée à un réseau moyenne tension et équipée d’un transformateur. Le véhicule, lui, dispose sous sa carrosserie d’un patin qui se baisse automatiquement et vient contacter la chaussée, permettant sa recharge qui se fait à une vitesse de circulation normale. L’électronique embarquée dans le véhicule gère l’ensemble des paramètres nécessaires.
Des enjeux énormes
Les enjeux environnementaux mais aussi économiques voire géostratégiques (souveraineté) de la route électrique sont énormes. Certains pays développent d’autres choix technologiques pour tenter de décarboner le transport routier (les caténaires par exemple). Mais les porteurs du programme français estiment que leur solution apporte beaucoup d’avantages : rendement élevé, puissance transférée (jusqu’à 500 KW), compatibilité avec les véhicules industriels de toute taille. Rappelons que le programme eRoad Mont Blanc est d’importance : pas moins de 21 millions d’euros lui sont consacrés.
Transpolis en bref
- Un site unique en Europe qui s’étend sur 120 hectares (ancien site militaire reconverti) et s’adresse aux grands groupes comme aux PME.
- Les anciens bâtiments (une trentaine) ont été conservés pour une configuration plus réaliste de l’environnement de mobilité.
- Des chaussées variées sont tracées (routes départementales, nationales, urbaines, périphériques, autoroutes) pour des tests très divers : véhicules autonomes, crash tests, équipements routiers, sécurité automobile, etc.
- Effectif : 46 salariés
(1) Alstom, ATMB, Greenmot, Pronergy-Faar, Université Gustave Eiffel.