Il est une sorte de Tintin, scientifique, la houppette et les bandits en moins. Depuis près de quarante ans, sa biographie est une succession d’exploits vers des destinations improbables. Jean-Louis Etienne a parcouru les mers avec quelques célébrités (Alain Colas, Eric Tabarly) avant de monter ses propres expéditions : en Patagonie, au Groenland, en Himalaya, en Antarctique. Il a hiberné au Spitzberg, approché le volcan Erebus, étudié la faune de l’île de Clipperton… Ce médecin, qui aime à rappeler qu’il détient aussi un CAP de tourneur, veut percer les mystères de la Terre pour mieux contribuer à sauver la planète.
Aujourd’hui, toute son énergie est concentrée sur son nouveau rêve : construire une station scientifique dérivant autour du Pôle sud (lire Bref du 09/01/2013). A notre invitation, il est venu présenter son vaisseau maritime du futur à Lyon, lors de trois rencontres “au sommet” : avec Bruno Bonnell, patron de Robopolis ; avec Jean-Jack Queyranne, président de la Région Rhône-Alpes ; enfin devant une quarantaine de dirigeants membres du club d’entrepreneurs Le Prisme. Objectif : mobiliser industriels(1), politiques et chercheurs rhônalpins autour du Polar Pod, un projet hors du commun.
La mission visée par Jean-Louis Etienne est d’étudier le Circumpolar : ce courant marin, qui encercle l’Antarctique, joue un rôle central dans l’équilibre climatique terrestre et la biodiversité marine. Mais, au milieu des vents les plus puissants du monde générant des vagues monstrueuses, la région n’est pas faite pour les bateaux, qui, d’ailleurs, ne s’y aventurent guère. Le Polar Pod, lui, pourra affronter les éléments grâce à une architecture révolutionnaire, inspirée d’un vaisseau américain utilisé pendant la guerre froide pour espionner les navires soviétiques.
En fait, il s’agit d’un bateau… vertical ! Une capsule de quatre étages soudée à une structure tubulaire de 125 mètres de hauteur, dont les 75 mètres immergés et lestés lui donneront la stabilité nécessaire pour flotter (poids total : 800 tonnes). Les sept personnes occupant la nacelle pourront ainsi envoyer des robots sous-marins et autres drones pour recueillir des données scientifiques(2).
Pour un budget de dix millions d’euros qui n’est pas encore bouclé, Jean-Louis Etienne propose un programme scientifique low cost et très écolo (100 % d’énergies renouvelables : hydroliennes, éoliennes, solaires, voiles), sans aucune comparaison avec un vol spatial et pourtant aussi important pour l’avenir du globe. La construction du Polar Pod devrait débuter cet automne, dans un lieu qui reste à définir, pour une mise à l’eau prévue vers la fin 2014.
Didier Durand
Photo : Jean-Louis Etienne et son projet Polar Pod.
(1) Certains (Costellium, Lafarge) se sont déjà rapprochés du projet. D’autres pourraient le faire, dans plusieurs domaines (solaire thermique, matériaux, mécanique, énergie, etc.). Si le projet vous intéresse, n’hésitez pas à nous contacter.
(2) Pour une description plus précise : http://jeanlouisetienne.com/polarpod/ ; lire aussi le très didactique Science & Vie Junior, mai 2013, pp. 38-41.
Bref Rhône-Alpes n° 2116 du 24/04/2013
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