Philippe Guérand, président de la CCI de région, estime que la reprise passera par les commandes et les approvisionnements.
Didier Michalet/DMKF
Depuis le début du confinement, les Chambres de commerce et d'industrie de la région sont en première ligne pour répondre aux demandes des chefs d'entreprise qui, selon le dernier observatoire de la CCIR, ont des problèmes de trésorerie pour 60 % d'entre eux. Entretien avec Philippe Guérand, président de la CCI régionale qui, en lien avec les collectivités et l'Etat, travaille sur l'après-confinement pour préparer la reprise.
Bref Eco : Dans votre Observatoire du Covid-19 qui vient de paraître, 60 % des chefs d'entreprise interrogés affirment avoir des difficultés de trésorerie, soit plus du double qu'habituellement. Etes-vous surpris par ce taux ?
Philippe Guérand : Dès le début de la crise, les treize CCI de la région ont mobilisé leurs équipes pour garder le contact avec les entreprises. Depuis le début du confinement, les 400 conseillers CCI ont répondu à 25.000 appels entrants ! Ce taux de 60 % n'est donc pas surprenant… mais c'est intéressant d'avoir une véritable mesure. Les appels portent essentiellement sur les aides mises en place par le Gouvernement et nos conseillers sont là pour accompagner les dirigeants dans leurs démarches.
Bref Eco : Comment jugez-vous les dispositifs d'aide mis en place par l'Etat ?
P.G. : Dès le début de la crise sanitaire, une cellule de crise, à laquelle nous participons, a été mise en place avec la Région et les services de l'Etat concernés. Nous avons passé au crible toutes les mesures d'accompagnement pour les ajuster à la réalité terrain, en lien avec les chefs d'entreprise. C'est la force d'un réseau de proximité comme le nôtre. Nous avons par exemple travaillé avec la Direccte pour qu'elle ait une lecture plus incluante et inclusive du dispositif de chômage partiel. Et nous travaillons également avec la profession bancaire et la Banque de France au sujet des conditions d'attribution du PGE. A ce jour, selon notre observatoire, 70 % des entreprises ont pu avoir accès aux différentes aides. Je rends hommage aux services de l'Etat qui sont restés mobilisés pendant toute cette période.
Certains chefs d'entreprise sont aujourd'hui en vraie détresse psychologique
Par ailleurs, dans le cadre des appels ciblés que font nos conseillers à raison de 10.000 par semaine, nous avons priorisé les secteurs les plus touchés comme les commerces, l'hôtellerie, la restauration, le transport de personnes… Certains chefs d'entreprise sont aujourd'hui en vraie détresse psychologique. Nous avons donc mis en place une cellule dédiée avec des professionnels pour les accompagner.
Bref Eco : Mais les chefs d'entreprise en souffrance psychologique ont souvent tendance à le cacher…
P.G : Avec cette situation exceptionnelle où tout le monde est dans le même bateau, cette barrière n'existe plus ! Des chefs d'entreprise sont aujourd’hui en dépression et ils ne cachent plus le fait d'avoir besoin d'aide.
Bref Eco : Il faut maintenant réfléchir à l'après, au déconfinement, à la reprise progressive d'activité… Comment envisagez-vous la suite ?
P.G. : La reprise sera très différente selon la catégorie d'entreprise : il y a celles qui sont toujours en activité et qui vont pouvoir passer la crise avec les aides ; et il y a celles qui sont complètement à l'arrêt, en raison notamment des fermetures administratives et où les choses seront plus compliquées. Pour celles-ci, le report des charges ne suffira pas. Il va falloir que les pouvoirs publics annulent les charges ! Je pense à des secteurs comme l'hôtellerie et la restauration qui ont un chiffre d'affaires à zéro. Il faut rester très attentif à leur situation et faire remonter leurs difficultés.
ll faudra faire repartir au plus vite les marchés publics et veiller à ce que les grands groupes réamorcent leurs commandes.
La reprise passera aussi en restaurant la confiance. Pour cela, il faut des règles précises concernant la sécurité. Le Gouvernement doit discuter avec les branches professionnelles pour mettre en place des fiches métiers.
Enfin, pour que la reprise réussisse, cela passera par ce que j'appelle les deux bouts de la chaîne : d'une part les clients et d'autre part les approvisionnements, sans rupture de matières premières. Concernant les clients, l'amorçage devra se faire par les grands donneurs d'ordre publics et privés. Il faudra faire repartir au plus vite les marchés publics et veiller à ce que les grands groupes réamorcent leurs commandes. Cela ne va pas se faire en un claquement de doigts. Je crois que cela prendra plusieurs mois avant d'avoir une reprise sensible…