La deuxième édition de la Fête de la bière de Tarare a été l’occasion de réaffirmer le leadership de Rhône-Alpes dans un domaine où on ne l’attend pas : avec 64 petits fabricants, elle est en effet la première région française en nombre de brasseries. Parmi elles, deux établissements se détachent, par leur taille : la Brasserie du Mont Blanc et le Ninkasi. Depuis quinze ans et l’ouverture à Lyon-Gerland de son concept innovant de restauration, ce dernier poursuit une voie originale, entre musique et gastronomie populaires.
Depuis ses débuts, l’aventure du Ninkasi est guidée par l’esprit d’un pionnier. Christophe Fargier a 25 ans quand il lance son premier établissement face au stade de foot lyonnais, au retour d’une année sabbatique passée aux Etats-Unis. Ce diplômé de l’ESC Saint Etienne en est revenu gonflé à bloc, porté par l’envie de créer son entreprise. Son idée : “Réhabiliter le concept de brasserie locale et authentique, tout en créant un lieu de restauration à l’anglo-saxonne, ouvert à tous publics, sans barrière vestimentaire ni de génération”. Une convivialité qui passe notamment par la musique live et va rapidement se traduire par une ambiance café-concerts puis par la création d’une petite salle dédiée (580 places), le Kao. Cette volonté de mettre en valeur des artistes locaux émergents sera, un temps, soutenue par les collectivités aidant les scènes de musique actuelle. Viendront, plus tard, les cours de danse.
Parallèlement, le modèle “burger, bière et musique” va se décliner dans plusieurs autres bars-restaurants, aujourd’hui au nombre de six sur l’agglomération lyonnaise, tous dotés de la Ninkasi TV, une chaîne interne consacrée aux concerts maison. Il sera complétée par une boulangerie fournissant, notamment, le pain des burgers. Une stratégie cohérente et volontaire, parfois opportuniste, rythmée par les aléas des essais et erreurs. Comme à Saint-Etienne où l’enseigne n’a pas fait long feu.
L’avenir du Ninkasi passera désormais par Tarare, et pas seulement par sa Fête de la bière. L’infatigable précurseur vient en effet d’y investir près de 2,6 millions d’euros dans un ancien bâtiment industriel qui abrite désormais la fabrication de sa bière aujourd’hui vendue en grandes surfaces. Un bar-restaurant y a aussi été accolé, de même qu’une distillerie qui donnera naissance, dans cinq ans, au premier whisky des Monts du Lyonnais.
Christophe Fargier étudie aussi la mise en place d’un réseau de franchise. Avec prudence. Lui qui veut relancer les filières locales d’approvisionnement se méfie de ceux qui “aimeraient voir grandir notre enseigne beaucoup plus vite. Moi, je préfère un développement raisonnable, respectant notre culture régionale et nos méthodes de travail”. Ce qui ne l’empêche pas de tabler sur une reconfiguration du site historique de Gerland, en rêvant d’y installer, notamment, une salle de cinéma portée sur le documentaire. Mais le projet, en plusieurs phases, est lourd (3 millions d'euros). Et les banques rechignent, réclamant davantage de fonds propres à leur client. Un nouveau dossier pourrait donc s’ouvrir : celui d’un apport de capitaux extérieurs. Mais la culture Ninkasi est-elle soluble dans la finance ?
Didier Durand
Bref Rhône-Alpes n° 2077 du 16/05/2012
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