Pieric Brenier, fondateur de Koesio.
En 25 ans, Koesio s’est imposé dans l’Hexagone comme un acteur majeur de la bureautique, en rachetant près de 250 entreprises du secteur. Depuis Valence dans la Drôme, l’ensemble forme aujourd’hui un groupe de 3.600 personnes très imprégné de l’état d’esprit et de la personnalité de son dirigeant Pieric Brenier : audacieux, exigeant et humaniste.
On avait quitté Pieric Brenier mi-2023 à Crolles, dans la vallée du Grésivaudan, embarqué dans une aventure un peu folle avec son compère Pierre Chabert, patron de la société iséroise Airstar : la tentative de record du monde de vitesse en dirigeable, détenu depuis 1994 par le zeppelin de l’Américain Steve Fossett. S’il a mis pour l’instant le projet entre parenthèses, Pieric Brenier n’en reste pas moins passionné d’aéronautique. Pilote lui-même, il a lancé une petite compagnie avec quatre avions, sous la forme d’un GIE auquel se sont joints 28 chefs d’entreprise de Valence et de la région, usagers ponctuels pour des voyages d’affaires.
Hésitations et aller-retour
Enfant, il a connu l’Afrique au fil des pérégrinations professionnelles de parents voyageurs. Son retour à Lyon s’est concrétisé, côté études, par un BTS en commerce obtenu au lycée de La Martinière. Un diplôme comme première ligne de CV mais pas davantage. À 25 ans, il dirige un hôtel-restaurant à Montceau-les-Mines avant d’être recruté comme commercial pour vendre des photocopieurs. Bluffé par son efficacité, son employeur lui propose alors d’ouvrir une agence à Valence, qu’il va manager pendant une année.
Puis, encore indécis mais pas à court d’idées, il tente d’exporter un concept français aux États-Unis : la vente de voitures sur les parkings d’hypermarchés. À Miami, l’aventure américaine va durer six mois, se conclure par un échec… et son retour en France. Pieric se voit alors proposer, par le directeur de Toshiba France, le poste d’inspecteur des ventes. Encore un an et ce sera le grand saut : fort de ces différentes expériences qui lui ont apporté une certaine assurance, il reprend en 1991 à Valence une petite enseigne, Ceprho. Elle deviendra C’Pro un peu plus tard puis Koesio. C’est le vrai démarrage d’une saga qui, après quelques années de rodage et le rachat d’un distributeur Toshiba ardéchois, ne cessera d’accélérer à partir de 1996.
Culture d'entreprise et qualité de vie au travail
Lui qui imaginait alors, dans ses rêves les plus fous, diriger un jour une entreprise de 50 salariés, raconte : « Depuis cette date, pas une seule année ne s’est passée sans croissance externe. Au total, cela représente quelque 250 entreprises achetées en une trentaine d’années par Koesio.
Sur notre dernier exercice (2023-2024), nous avons réalisé 36 acquisitions ! Cette stratégie offensive nous permet de gagner rapidement des clients, dans un métier très capitalistique ». Il parle d’un vrai savoir-faire acquis dans ce genre d’opérations.
Lors d’un rachat d’entreprise, mes propos aux collaborateurs qui nous rejoignent sont clairs. Je leur dis : nous ne sommes pas parfaits mais voilà notre chemin. Nous ne vous mentirons pas !
Pieric Brenier.
Doté d’une force de conviction hors du commun, fédérateur et charismatique, il l’est, sans aucun
doute. « Lors d’un rachat d’entreprise, mes propos aux collaborateurs qui nous rejoignent sont clairs. Je leur dis : nous ne sommes pas parfaits mais voilà notre chemin. Nous ne vous mentirons pas ». Ce respect de la parole donnée et des individus remporte généralement une forte adhésion. L’essentiel, c’est que « j’aime les gens ! », ce qui, s’empresse-t-il d’ajouter, n’est pas contradictoire avec un haut niveau d’exigence. « Ma priorité absolue, c’est la satisfaction des collaborateurs. Car on le sait bien, le client a toutes les chances d’être satisfait s’il est en contact avec des collaborateurs heureux dans leur travail. L’effet sera inverse dans le cas contraire ». À un collaborateur hésitant, il veut tenir un discours direct et sincère : « Je veux que tu sois heureux, ici ou ailleurs, c’est le plus important ». Pieric Brenier aime d’ailleurs rappeler les différents labels de qualité de vie au travail obtenus par Koesio (Happy at work, Great place to work…). Et souligne que 60 % des salariés sont actionnaires, via un FCPE.
Un groupe décentralisé
La structure décentralisée du groupe reflète aussi cet état d’esprit. « Je refuse de créer une World Cie où tout se déciderait au siège. À ce jour, nous sommes structurés en une vingtaine de filiales qui couvrent chacune une zone géographique de l’Hexagone. La filiale type emploie environ 200 personnes. Nous ne sommes que 40 au siège, ici à Valence. Chaque filiale est une locomotive pour le groupe, pas un simple wagon », d’autant plus que la fidélité des principaux cadres est une réalité : « On a tous grandi ensemble ».
Bientôt une autre histoire ?
Pieric Brenier est un (très) bon vendeur. Mais il se considère aussi comme un gestionnaire méticuleux. Et on veut bien le croire : il est par ailleurs conseiller à la Banque de France. « Je sais toujours où je mets les pieds, je fais très attention à ne pas me faire griser par des perspectives alléchantes. Par exemple, mon critère d’endettement, c’est trois fois l’Ebitda : en dessous, vous êtes trop lent ; au-dessus, attention au surrégime. La croissance externe, d’accord, mais il faut toujours compter », dit-il. D’ailleurs, il aime rappeler que Koesio n’a jamais perdu d’argent.
La réussite est très fragile
Il dit aussi avoir « la conviction que la réussite est très fragile » et que cette idée l’a longtemps habité même si c’est un peu moins le cas aujourd’hui. En avril, ce sportif (ski, vélo, kite surf) survolera lui-même la Méditerranée, direction l’Afrique. Une manière, peut-être, de prendre de la hauteur, à l’heure où, à 62 ans, il commence à envisager la transmission de Koesio. La poursuite de l’histoire ne devrait pas être familiale, ses deux enfants ayant choisi d’autres directions. Alors, s’il est encore un peu tôt pour ouvrir un nouveau chapitre, le dirigeant fondateur a cédé en 2023 quelque 16 % du capital de son groupe à un pool de quatre capital investisseurs (Montefiore, BNP Paribas, Crédit Agricole et Société Générale). Un premier pas.
Des photocopieuses aux services informatiques
Le groupe drômois C’Pro, devenu Koesio en 2021, est passé de 66 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2013 à 1,05 milliard d’euros en 2023. Une croissance folle (+ 32 % de moyenne annuelle) réalisée aux deux tiers grâce à des rachats d’entreprises. Cette évolution lui a apporté de nouvelles compétences. À l’origine distributeur de photocopieurs aux entreprises (il en vend 30 000 chaque année de marques Toshiba, Canon, Sharp, etc.), il a progressivement « remonté »
la filière en proposant aux entreprises :
Une course en avant parfois dangereuse
Parmi les quelque 250 croissances externes réalisées en trente ans par Koesio, celle de la société Koden, en 2020, a été particulièrement
rocambolesque. Avec 700 salariés, ce concurrent, détenu alors par un fonds d’investissement, s’annonçait comme le plus gros rachat de l’histoire du groupe (1 000 collaborateurs alors). Mais quelques semaines seulement après la promesse d’achat signée en février par Pieric Brenier, le sidérant Covid-19 immobilise le monde entier ou presque. Le
dirigeant décide alors de ne pas donner suite. « J’ai reculé, je ne pouvais pas prendre un tel risque ». S’engagent alors trois mois d’âpres négociations avec des propriétaires (financiers) qui se sentent lésés, fortes pressions à l’appui et tribunal de commerce en vue. Pieric Brenier finit par céder… mais à des conditions financières plus favorables, le 18 juin, date mémorable s’il en est ! Certes, la crise sanitaire fera encore tanguer le bateau Koesio mais il tiendra le cap. « Pendant cette période Covid, nous avons certes vendu des milliers d’ordinateurs portables supplémentaires mais, par ailleurs, dans les entreprises, les salariés imprimaient beaucoup moins. Globalement, tout cela s’est équilibré »
Cet article est issu du beAURA » tome 3, à retrouver ici.