La chaleur du LHC, emmagasinée toute l'année sous terre pourra être exploitée en hiver.
Ademe / SPL Réseau Energie
Pour faire fonctionner le plus grand accélérateur du monde, le Cern consommerait une énergie voisine de celle d’une ville comme Grenoble. Mais ses installations émettent aussi beaucoup de chaleur qui va être expédiée vers un quartier en construction.
Installé dans un tunnel de 27 kilomètres de circonférence, formé de centaines d’aimants supraconducteurs, le Large Hadron Collider (LHC) du Cern accélère des particules à la vitesse de la lumière ou presque… à une température de - 271 °C. Paradoxalement, le fonctionnement d’une telle machine et de ses équipements de cryogénie rejette énormément de chaleur, qui était jusqu'ici perdue…
Energie fatale
Que faire de cette énergie fatale ? Depuis quelques années, la question faisait l’objet de discussions entre des élus de l’agglomération du Pays de Gex, terre d’accueil du Cern, et des responsables du laboratoire international. La réponse est finalement venue suite à un projet d’aménagement majeur lancé à Ferney-Voltaire (Ain) : la création d’un quartier sur un terrain de 65 hectares. Ce programme prévoit 412.000 m² de constructions neuves, moitié en logements et moitié en activités économiques et culturelles. Les 2.500 appartements prévus seront en partie chauffés grâce au stockage souterrain de la chaleur émise par la climatisation des locaux tertiaires et commerciaux, ainsi que par une boucle d’autoconsommation photovoltaïque. La formule n’est toutefois pas suffisante.
28 millions d'euros d'investissement
Dès lors, récupérer la chaleur fatale du LHC pour l’amener jusqu’à Ferney-Genève Innovation est apparu comme une solution judicieuse. La construction d’un réseau a commencé, sous la houlette d’une Société publique locale (SPL). Celui-ci viendra se plugger sur le Cern pour récupérer de l’eau à 25 °C, puis se dirigera sur 5 kilomètres vers le futur quartier de Ferney. Là, seront installées 174 sondes plongeant à 230 mètres de profondeur (40 km de tuyaux) : une centrale de production permettra d’utiliser cette chaleur emmagasinée toute l’année pour, l’hiver venu, chauffer les nouveaux bâtiments. L’ensemble, qui devrait s’achever fin 2022, totalise 28 millions d’euros d’investissement, dont 11 millions d’euros subventionnés par l’Ademe. Une seconde société, constituée de trois actionnaires (Pays de Gex Agglo, Banque des Territoires et Dalkia) sera chargée de l’exploitation de l’installation à travers une concession de 25 ans.
Echange de chaud et de froid
Unique, ce projet ouvre une autre perspective avec la Suisse voisine. En effet, de leur côté, les autorités genevoises ont entamé la construction d’un autre réseau dans le but de distribuer… du froid. Cet équipement puisera une eau à 7°C au fond du lac Léman pour la redistribuer dans plusieurs quartiers. Ce réseau sera alors distant d’un petit kilomètre de Ferney. De quoi envisager des échanges énergétiques (chaleur contre froid) de part et d’autre de la frontière. Les discussions ont commencé et pourraient donner naissance à un réseau transfrontalier original.
Cet article a été publié dans le numéro 2442 de Bref Eco.