philippe cornaton
La première SEM régionale, plombée par un fort endettement, ouvre davantage son capital à deux mastodontes du logement. Une opération de sauvetage... et des promesses de développement futur.
Soixante-dix neuf millions d'euros (M€). C'est le montant de la recapitalisation que vient de réaliser la Semcoda (Société d'économie mixte de construction du département de l'Ain) pour consolider ses fonds propres. Ces derniers s'élèvent désormais à près de 500 M€. Trois structures déjà actionnaires ont contribué à cette opération. La principale d'entre elles, le Département de l'Ain, apporte 25 M€. CDC Habitat Adestia, filiale de la Caisse des dépôts et consignations, engage 32,5 M€, et Action Logement (collecteur du 1 % logement) signe un chèque de 21,5 M€. Ces deux derniers partenaires deviennent des actionnaires prépondérants : chacun est détenteur de 21,45 % du capital de la Semcoda. La collectivité territoriale, avec plusieurs EPCI et communes, détient 51 % des parts.
Par ailleurs, la Caisse de garantie du logement locatif social, a accordé au bailleur social aindinois une aide exceptionnelle de 15 M€.
En négociations depuis un an
Le Département, CDC Habitat et Action logement étaient en négociations depuis un an, pour aboutir à ce « pacte d'actionnaires », selon l'expression de Jean Deguerry, président de la collectivité territoriale, à la manœuvre avec Bernard Perret, directeur général depuis le printemps 2019. Assurer la pérennité de la Semcoda dans sa mission de « bras armé de l'aménagement du territoire départemental » : tel est l'objectif partagé par les trois partenaires. Ce « virage » dans l'évolution de cette « SEM » créée en 1959, « n'est pas une rupture », insiste Koumaran Pajaniradja, directeur général d'Action logement (un million de logements en France). André Yché, président du directoire de CDC Habitat (510 000 logements en gestion) voit dans cette opération une opportunité pour les trois sociétés d'engager des investissements communs.
Redonner du souffle
À plus courte échéance, l'apport d'argent frais doit redonner du souffle à une Semcoda prise en « ciseaux » entre un lourd endettement lié à un surdéveloppement, et les effets de la loi de finances de 2018 instituant une réduction du loyer de solidarité (10 M€ de perte pour le bailleur aindinois). La vente de 350 logements (1 % de son parc immobilier) l'année dernière a permis de redresser les comptes de l'entreprise à + 29 M€ (pour un chiffre d'affaires de plus de 300 M€) contre - 13 M€ en 2018.
Mais la Semcoda est contrainte de réduire drastiquement son volume de mise en chantier de nouveaux logements : 400 unités chaque année à l'horizon 2024, contre 1 500 à 2000 jusqu'en 2017. Bernard Perret se veut toutefois rassurant envers les entreprises qui attendent les commandes du bailleur : « Nous engagerons 200 M€ d'investissement sur 10 ans pour réhabiliter notre parc immobilier ». La Semcoda a aussi obtenu de la Banque des Territoires, autre filiale de la CDC, et de ses autres créanciers privés, un réaménagement de ses remboursements.
Ce pacte d'actionnaires induit une réorganisation à la tête du bailleur aindinois. Dominique Chauvet (CDC Habitat) et Stéphane Saint-Sardos (Action Logement) sont nommés directeurs délégués aux côtés de Bernard Perret.