Renaud Sornin est le dirigeant-fondateur d’ALG Attestation Légale.
Hugues Feuillet
Renaud Sornin est le dirigeant-fondateur d’ALG Attestation Légale, réseau de diffusion sécurisé de documents administratifs pour les entreprises. Ni moraliste, ni donneur de leçons, il partage sa vision du monde de demain, avec sincérité, gentillesse…et une pointe de provocation assumée.
Bref Eco : Votre activité n’a pas été trop impactée par la Covid ? La croissance est repartie ?
Renaud Sornin : La question de la croissance est très importante car comme on est dans un monde fini, c’est-à-dire sur une planète dont on consomme les ressources et que cela n’est pas sans fin, la limite n’est pas notre capacité à croître mais le stock dans lequel on peut puiser. Qui dit « monde fini » dit « fin de la croissance » ; donc ça pourrait pousser à être décroissant. Et là, c’est compliqué pour les entrepreneurs car on est « seringués » à la croissance… Comme le dit Olivier Frérot, ancien ingénieur des Ponts et chaussées et écrivain lyonnais, bien sûr qu’on aura toujours besoin de croissance mais la question, c’est la croissance d’autre chose que de l’argent.
Bref Eco : Et vous, qu’en pensez-vous ?
Renaud Sornin : Pour l’instant, je suis un entrepreneur comme les autres et je suis attaché à ma croissance. Mais je pense qu’il faut changer la mesure. Par exemple, je mesure chaque année dans l’entreprise, avec l’aide d’un prestataire, « Sens & idées », la satisfaction de mes collaborateurs : faire grandir leur satisfaction, c’est sans limite, et ça ne coûte rien à la planète ! J’aime bien cette phrase d’un de mes actionnaires, Hervé Leblanc, à propos « du petit truc en plus, en moins », c’est-à-dire qu’il y a plein de choses dans la vie qu’on a rajoutées, qui sont des petits trucs en plus qui ne servent à rien… la fameuse dosette de café par exemple. La croissance de l’essentiel et la décroissance du superflu, ça c’est une bonne idée !
Bref Eco : Qu’est-ce que vous voulez changer en priorité ?
Renaud Sornin : Dans notre entreprise, on a assez peu d’impact environnemental. On a travaillé sur les déplacements de nos collaborateurs pour venir au bureau. Et là je veux aller sur des Clouds qui consomment moins et qui soient souverains. En même temps, je crée des start-up, avec d’autres. J’en ai déjà créé dix en trois ans et on va en créer encore quinze dans les trois prochaines années : on veut qu’un tiers d’entre elles portent sur des sujets qui impactent positivement la planète.
Bref Eco : De nouveaux modèles vont-ils émerger ?
Renaud Sornin : La valeur la plus importante pour moi, c’est le partage. Quand j’ai une bonne idée, l’important n’est pas de la garder mais qu’elle aboutisse et puisse rendre service à plus de monde. En la partageant, j’ai plus de chance de réussir même si j’aurai une plus petite part à l’arrivée. La propriété dans un monde fini n’a plus de sens et, en plus, c’est extrêmement discriminant, ça s’hérite et l’héritage, c’est d’une injustice monstrueuse ! S’il n’y a plus d’héritage, il n’y a plus d’intérêt à accumuler.
Bref Eco : On parle beaucoup de relocalisation industrielle…
Renaud Sornin : Je suis assez perplexe. Acheter local, dit comme ça, ça n’a pas de sens : ce n’est pas parce que c’est local que c’est bien. En revanche, si acheter local, c’est limiter les déplacements et la consommation de CO2, ça fait sens. La relocalisation, oui, mais à condition qu’elle soit porteuse de collaboration et, surtout, pas de repli sur soi.
Le féminin est l’avenir du monde
Bref Eco : C’est quoi, pour vous, le monde d’après ?
Renaud Sornin : Je ne crois pas au monde d’après et d’avant. Le coronavirus nous a aidés à prendre conscience d’un mouvement commencé il y a longtemps et il l’accélère. Par exemple, nous voulions faire du télétravail depuis un moment mais on avait des barrières internes. Lors du confinement, le télétravail a démontré son efficacité. On va désormais le proposer, sans pour autant imposer des standards.
Bref Eco : Vous dites que le monde de demain sera féminin… ou sera moins bien ?
Renaud Sornin : Partout où je peux mettre de la parité, je me bats pour le faire ! L’ego, la domination, la compétition, l’accumulation… ce sont des valeurs de la virilité. Chaque fois qu’il y a des femmes dans une assemblée, ça marche mieux, l’ego baisse. Le féminin est l’avenir du monde, et du féminin il y a en a aussi chez les hommes ; il faut permettre aux hommes de libérer des valeurs comme la sensibilité ou la vulnérabilité : quand on se sent vulnérable, on commence à faire attention à la planète !
SES TROIS IDÉES-CLÉS POUR LE REBOND
Propos recueillis par Nadia Lemaire
Cet article a été publié dans le numéro 2422 de Bref Eco.