La drêche, céréale concassée humide dépourvue d'amidon, issue du processus de brasserie, est séchée avant d'être transformée en farine.
Tout l'été, Bref Eco vous a proposé de partir à la découverte des microbrasseries régionales. Avec 275 brasseurs indépendants (sur 1.600 au niveau national), Auvergne-Rhône-Alpes occupe la première place du podium. Mais qui dit production, dit déchets. Que faire de toutes ces céréales débarrassées de leur amidon ? Chez Maltivor, on a une idée : les transformer tout simplement en farine.
Lola Bonnin, Lyonnaise de 28 ans, a commencé sa carrière dans l’audit financier. Il y a un an, virage à 180 °. Elle cherche un projet en lien avec le développement durable et opte pour le recyclage du malt issu des brasseries. Ce malt n’est plus vraiment du malt car le processus de brassage en a extrait l’amidon (qui se transforme en sucre pour alimenter les levures). Ce résidu prend le nom de « drêche de brasserie ». « Le plus souvent, les industriels la sèchent pour la jeter et l’incinérer. D’autres, comme le Ninkasi, la mettent en silo pour la vendre ensuite aux agriculteurs afin de nourrir leur bétail », explique Lola Bonnin. D’autres encore l’utilisent en méthaniseur.
Le son, recyclé lui aussi
L’idée de Maltivor, la société créée il y a un an par Lola Bonnin, est plutôt de transformer la drêche en farine. Installée à Vénissieux, dans la brasserie du bar Le Platypus (cours Charlemagne à Lyon 2e), Maltivor a effectué des tests pendant un an. Une bourse FrenchTech (20.000 euros), des emprunts auprès de la Nef et de la Chambre de métiers (90.000 euros) ont permis d’acheter des machines.
Le process comprend une presse, un déshydrateur, un moulin (meule de pierre), un tamis (pour séparer le son, donné à la start-up lyonnaise Reus eat qui en fait des couverts biodégradables) et une ensacheuse. La farine qui en est issue est proposée aux boulangers pour en faire des pains spéciaux dont le goût diffère selon le malt utilisé. Une première production a été testée : « Les boulangers l’utilisent avec une farine traditionnelle dans la limite de 30 % du total », confie Lola Bonnin qui a aussi demandé des tests pour des pâtisseries et des pâtes à l’Institut Bocuse.
La farine est vendue entre 4 et 5 euros HT le kilo, un prix qui serait similaire à la farine de sarrasin. « Outre le goût, l’intérêt de cette farine de drêche est de proposer des pains riches en protéines, en fibres et en fer, ce dont les boulangers peuvent se prévaloir, précise l’entrepreneuse. Et comme le pain contient au final moins de gluten, il est aussi plus digeste. »
Collecte en camion électrique ?
Mativor a reçu récemment 40.000 euros de La Fabrique Aviva. Cela va lui permettre de lancer la commercialisation de sa farine cet automne. La première dépense sera liée à l’organisation de la collecte des drêches. Trois partenaires ont déjà proposé de donner leur drêche, plutôt que de payer pour la détruire : La Brasserie Georges (2 tonnes par jour), Tom & Co (drêche bio) ainsi que le Platypus. Maltivor recherche un sous-traitant pour organiser le transport, si possible en camion électrique.
Lola Bonnin pense produire 34 tonnes de farine en 2020, comprenant la vente aux boulangers, la vente aux particuliers mais aussi des produits finis. Elle vise l’équilibre en 2021.