L'atelier du Tavaillon de l'Allier a accompagné 150 personnes en insertion depuis 2012.
En juillet 2023, Le Tavaillon de l’Allier a brillé à l’Élysée, lors de l’exposition du « Fabriqué en France ». Fabricant de tuiles en bois de châtaignier haut de gamme, cet atelier a pu y valoriser son savoir-faire, réalisé par des artisans en réinsertion. L’occasion de rappeler que l’économie sociale et solidaire est synonyme de belles réussites humaines mais aussi économiques.
C’est d’abord l’odeur chaleureuse du bois qui vous accueille, en passant les portes de l’atelier, installé à Bellenaves, dans le sud du département de l’Allier. Puis se dessine un ballet bien huilé, mené par une équipe joyeuse et affairée, transformant des plots de châtaigniers en tuiles taillées. En douze
ans, cet atelier a acquis une belle renommée dans toute la France.
En 2012, Dominique Bidet et Christian Glodt, maires de Bellenaves et d’Échassières, sont confrontés au manque d’entreprises sur leurs communes et aux difficultés de leurs administrés pour trouver un emploi. Les deux élus se mettent en quête d’une activité qui collerait à l’identité du territoire et favoriserait l’insertion. Inspiré par le Jura et ses maîtres tavillonneurs, le duo se dit que la technique ancestrale peut être réimplantée dans l’Allier, en associant tradition et préoccupations environnementales.
Une technique ancestrale en renouveau
Accompagnées par Monsieur Dromard, spécialiste jurassien du sujet, les équipes encadrantes se forment et l’atelier se met en place. Tuiles fendues, tavaillons, tablions, bardeaux, les appellations nombreuses cachent en fait une même technique : un bois fendu dans son fil, qui permet de préserver pour longtemps ses avantages naturels. Une opération minutieuse et technique, acquise au fil de l’expérience, devenue la marque de fabrique du Tavaillon de l’Allier.
Après séchage, les tuiles ornent les toits en couverture et les murs en bardage, aussi bien pour des bâtiments modernes, éco-conçus ou en auto-construction qu’en restauration du patrimoine. Grâce à d’importants gisements au plus près de l’atelier, c’est le châtaignier qui a été préféré au chêne ou à l’épicéa. Il multiplie les avantages avec une croissance rapide en 25 ans, une grande résistance aux parasites, à l’usure du temps, à l’humidité et aux intempéries, pour une durée de vie des tuiles pouvant excéder les 100 ans. Ne nécessitant aucun produit d’entretien, il s’affirme en allié de la protection de l’environnement, avec en plus une élégante patine gris argent qui apparaît au fil des ans. « Il est aussi facile à fendre, ce qui favorise la réussite des personnes que nous accompagnons en insertion » précise Jean-Louis Joly, directeur de l’association depuis 2016.
L'insertion par l'artisanat
Aux côtés du président Pierre Picard, Jean-Louis Joly et son équipe de cinq permanents sont les garants d’un projet qui a mis l’humain au centre. « Nous sommes là pour certains comme un filet amortissant les chutes, pour d’autres comme une parenthèse de remise en ordre ou un tremplin vers un nouveau départ. Notre travail, c’est écouter, accompagner, redonner une place et valoriser tous ceux qui travaillent à nos côtés », résume avec recul et bienveillance le directeur.
Mais cet atelier a toujours refusé la facilité d’un travail « moyen » par des travailleurs en insertion. Tous ont érigé l’exigence en identité commune, dans une culture d’entreprise qui vise le produit haut de gamme, notamment pour des spécialistes du patrimoine. Le Tavaillon de l’Allier est ainsi soutenu par la Fondation du Patrimoine, reconnaissant la qualité de sa démarche et de ses produits. Mais lorsqu’on fait travailler des novices, aux profils différents, la formation demande forcément un encadrement attentif et personnalisé. L’association cumule donc les difficultés d’une petite PME avec ses contraintes organisationnelles, de rendement, d’approvisionnement ou de management, et à celles de l’insertion. « Nous misons sur des hommes et des femmes qui ont leurs limites, mais on se rend compte que travailler le bois rend les gens plus concernés et les efforts sont bonifiés par un produit qui rend fier. Cette matière vivante, donne envie de la respecter. Nous leur permettons d’acquérir des savoir-être, des savoir-faire et des compétences transversales qu’ils pourront utiliser dans d’autres entreprises », explique le directeur qui a eu la satisfaction de recruter un ancien bénéficiaire comme encadrant technique.
Rentable et performant avec une production en croissance, l’atelier a forgé sa renommée à force de qualité, de régularité et de temps passé aux côtés de ses clients. L’association ne travaille qu’avec du bois de France, dans le respect du label PEFC pour une gestion durable de la forêt et en valorisant ses déchets (broyat d’écorces, bois d’allumage, copeaux valorisés en hydrogène vert…).
Nous sommes dans un développement, avec de l’ambition, mais sans brûler les étapes ou voir trop grand.
Les locaux mis à disposition du chantier d’insertion par la Communauté de communes Saint-Pourçain Sioule Limagne vont bénéficier de plus d’un million d’euros d’investissement, passant de 278 m² à près de 600 m² en octobre 2024. « Nous sommes dans un développement, avec de l’ambition, mais sans brûler les étapes ou voir trop grand. Le premier objectif reste toujours celui du service apporté aux bénéficiaires du chantier et au territoire. L’extension est prévue essentiellement pour augmenter la qualité d’accueil et de travail des équipes », explique le directeur. La mise en lumière à la Grande Exposition du « Fabriqué France », fut une belle récompense pour toute l’équipe, qui se tourne aussi désormais vers des projets plus ambitieux.
Le tavaillon de l'Allier en chiffres