François Cerisier, CEO et fondateur de Aedvices, une société créée en 2012 qui emploie une vingtaine de personnes.
Charlotte Pasinetti
Dans cette tribune, François Cerisier, CEO et fondateur de Aedvices, entreprise grenobloise spécialisée dans la conception et la vérification de dispositifs microélectroniques et systèmes embarqués explique comment faire sa place face aux mastodontes de la microélectronique.
Ces dernières années, l’Europe a lancé d'importants programmes d'investissements industriels. En 2023, pas moins de 68 projets d’usines ont été recensés dans 19 pays européens, rien que dans le secteur de la microélectronique, pour un investissement global de 100 milliards d’euros.
Parmi ces initiatives, on peut citer la méga-usine de semi-conducteurs prévue à Crolles (Isère), portée par STMicroelectronics et GlobalFoundries, projet estimé à 7 milliards d’euros. Il confirme le statut de la région Auvergne-Rhône-Alpes, et Grenoble en particulier, comme un lieu majeur de la microélectronique.
13 000 salariés
dans la microélectronique en région grenobloise.
En effet, en 2022, on dénombrait 192 entreprises liées à la fabrication de composants électroniques dans cette zone, soit 42 % des emplois nationaux du secteur. Avec plus de 13.000 salariés sur les 31.400 répertoriés en France, la région grenobloise représente un moteur de croissance pour l’industrie électronique française.
Toutefois, la forte présence des grands groupes internationaux en Isère, avec leurs moyens financiers et techniques colossaux, peut constituer une difficulté pour les TPE et PME locales. Ces dernières doivent trouver des leviers pour tirer leur épingle du jeu dans un environnement compétitif.
Innover grâce à la spécialisation et l’expertise technique
Se concentrer sur des segments de haute technicité permet aux entreprises d’offrir des solutions optimisées et adaptées, mais aussi de se positionner comme un partenaire incontournable pour des projets stratégiques à forte valeur ajoutée. La maîtrise des enjeux technologiques liés à ces domaines complexes garantit un accompagnement de qualité, capable de sécuriser les processus critiques et de réduire les risques d’erreurs.
Dans un marché technologique en constante évolution, la spécialisation dans des niches pointues, comme la vérification et la conception de systèmes embarqués, est alors un levier de différenciation pour les entreprises. Cette expertise ultra-ciblée permet de répondre à des besoins complexes et spécifiques, souvent hors de portée des acteurs plus généralistes.
Ainsi, l’innovation, couplée à la spécialisation, représente une piste prometteuse. Les petites entreprises bénéficient d’une réactivité et d’une agilité que les grandes structures peinent parfois à avoir. Elles peuvent se positionner sur des niches technologiques spécifiques, offrant ainsi des compétences rares et pointues.
Par exemple, la maîtrise de la norme ISO 26262 pour l’automobile ou des expertises comme la vérification de design sont des domaines où les PME peuvent exceller et se différencier.
Collaboration et écosystème : l'atout du réseau grenoblois
Au-delà de la spécialisation, les petites structures peuvent aussi s’appuyer sur l’écosystème local pour accroître leur capacité d'innovation. La région grenobloise bénéficie d’une concentration unique de centres de recherche, d’universités, et de pôles d’innovation.
En 2023, la Commission européenne a d’ailleurs validé les projets de douze entreprises françaises dans le cadre du PIIEC (Projet Important d’Intérêt Européen Commun) sur la microélectronique et la connectivité, témoignant de la vitalité de cet écosystème national. Et parmi ces douze projets, cinq sont portés par des entreprises iséroises.
De plus, ils s'accompagnent de plus de 120 partenariats impliquant des instituts de recherche tels que le CNRS, le CEA, ou encore l’IMT, ainsi qu’un large éventail d’acteurs économiques. Parmi eux, des PME, des ETI industrielles, mais également des start-up. Cette dynamique de collaboration permet aux petites entreprises de mutualiser des ressources, de partager des savoir-faire, et ainsi de s’associer avec les grands groupes dans des projets d’envergure.
Perspectives d’avenir : se préparer pour le futur de la microélectronique
Quoi qu’il en soit, l'avenir de la microélectronique s’annonce riche en opportunités, mais aussi en défis. L’essor de l’intelligence artificielle et la demande croissante pour des composants plus durables vont profondément remodeler le secteur. Et face à ces évolutions, les TPE et PME possèdent un atout majeur : leur agilité. Elles sont souvent capables de réagir plus rapidement aux nouvelles tendances et d’adapter leurs offres en fonction des besoins émergents du marché.
Cependant, pour réussir cette adaptation, des ressources financières seront nécessaires. L'innovation requiert des investissements conséquents, en particulier dans la recherche et le développement. La collaboration entre grands groupes et petites entreprises sera donc primordiale. Elle permettra de combiner la puissance financière des premiers avec l’agilité et la spécialisation des seconds, créant ainsi un cercle vertueux pour l’ensemble de la filière.
* Source : Panorama de la microélectronique (IET)
**Source : entreprises.gouv.fr
Cette tribune a été rédigée par François Cerisier. Elle n'engage que son auteur.