Valérie Lorentz-Poinsot dirige les Laboratoires Boiron.
Olivier Guerrin
Si nous voulons relocaliser des industries dans la santé en France, commençons par écouter les acteurs de terrain que sont les chefs d’entreprise.
Alors que les premières inquiétudes sur une reprise de la pandémie se font jour et que notre monde d’après ressemble encore furieusement au monde d’hier, le débat sur la relocalisation d’une partie de nos activités stratégiques risque de rester lettre morte si les acteurs de terrain ne sont pas écoutés.
Après avoir subi une telle crise, il semble fondamental de reprendre la main sur la production d’un certain nombre de médicaments de première nécessité. Comme beaucoup de Français, je pense qu’il est essentiel de relocaliser une partie de notre industrie de santé. En effet, nous disposons d’une main-d’œuvre qualifiée et de savoir-faire uniques en la matière. Et parce qu’il est déterminant, en cas de pandémie, d’avoir un outil industriel local qui est le seul garant d’une véritable réactivité permettant d’assurer la disponibilité de nos médicaments.
La santé doit évidemment se penser à l’échelle du monde. La pandémie que nous connaissons actuellement le souligne fortement. Toute l’Humanité est concernée et ce n’est qu’ensemble que nous trouverons des solutions durables pour nous soigner et pour continuer à vivre malgré les autres épidémies qui ne manqueront pas de suivre celle-ci. Plus encore, c’est à l’échelle européenne qu’il faut penser nos politiques de santé et que nous devons coordonner nos réponses. L’expérience récente nous montre que ce champ ne fait pas partie des compétences des instances européennes et qu’il devient urgent de mieux nous organiser pour faire face aux prochaines crises sanitaires.
« Pour être réellement utile, la santé doit être déployée localement »
Mais pour être réellement utile, la santé doit être déployée localement, au plus près des malades et des patients. C’est lorsqu’on est malade que nous avons besoin des médicaments (et des professionnels de santé). Pas avant ou après.
Il faut donc penser cette articulation et organiser notre système de soins pour qu’il réponde à ce double impératif : être en prise avec les réflexions et les innovations européennes et mondiales tout en se déployant au plus près des besoins de chacun.
Les récentes annonces du Président de la République et du Gouvernement pour relocaliser un certain nombre de productions de médicaments sur notre territoire vont dans le bon sens. Mais désormais il faut passer des paroles aux actes. J’avance trois propositions.
Trois propositions
Tout d’abord, comme le dit l’adage « primum non nocere ». Arrêtons de mettre des bâtons dans les roues à toutes les entreprises de santé déjà implantées sur notre territoire. A ce titre, je peux en témoigner, notre entreprise subit les conséquences délétères d’une décision administrative absurde qui va se traduire par la destruction de plus de 600 emplois sur notre territoire.
Il faut ensuite simplifier le cadre dans lequel nous pouvons réaliser notre activité. C’est une tornade continue d’audits, rapports, justificatifs en tous sens dans tous les domaines en permanence. Beaucoup de choses ont été annoncées dans ce domaine. En tant que chef d’entreprise de terrain, je peine encore à comprendre où se nichent réellement la simplification du quotidien et les mesures concrètes adoptées permettant d’économiser du temps en procédures redondantes ou inutiles.
Enfin nous devons stabiliser le cadre dans lequel nous pouvons développer notre activité. Ce n’est qu’en maintenant une véritable stabilité des règles du jeu que l’on pourra donner confiance aux acteurs pour qu’ils se projettent sans difficulté dans l’avenir. Sans cette stabilité, les entreprises auront du mal à investir autant qu’elles le pourraient. Et comme toute industrie, l’industrie de la santé nécessite de lourds investissements qui ne peuvent se prendre qu’en se projetant sur plusieurs dizaines d’années. C’est pour cela que je propose d’organiser une convention de 150 chefs d’entreprise (de tous les secteurs industriels) qui pourrait, à l’instar de celle organisée avec des citoyens au sujet de la transition écologique, travailler aux propositions qui permettraient de redonner à notre territoire l’attractivité qu’il n’aurait jamais dû perdre, notamment en relocalisant notre production.
SES TROIS IDÉES-CLÉS POUR LE REBOND
Cet article a été publié dans le numéro 2422 de Bref Eco.