Christian Têtedoie :" Nous avons obtenu le permis de construire du CFA de la gastronomie la semaine dernière."
A.R.
Le chef étoilé Christian Têtedoie pensait rouvrir ses établissements le 15 décembre. Mais comme tous ses confrères, il doit serrer les dents en espérant que les comportements des Français pour les fêtes n'entraînent pas une prolongation des délais. En attendant, il planche toujours sur le CFA de la gastronomie qui ouvrira ses portes en mars 2022.
Bref Eco : Chacun connaît l’effroyable crise que connaissent les restaurateurs en ce moment. Quelle est la situation dans un établissement gastronomique comme le vôtre ?
Christian Têtedoie : Dans un établissement gastronomique, les problèmes sont encore plus importants car les frais généraux sont encore plus lourds. Ils correspondent à 23 % du chiffre d’affaires. Nous avons beaucoup de crédits-baux sur le matériel informatique et le matériel de cuisine et il faut continuer à les payer. Les organismes financiers n’ont pas accordé de suspension des contrats. Les emprunts sont en revanche reportés mais là où l’on a des loyers, il faut les payer. Il faut aussi payer les charges patronales tandis que nous attendons toujours le remboursement des charges salariales – 90.000 euros me concernant – du premier confinement !
Bref Eco : Vous avez 11 établissements au total, certains ont-ils plus de problèmes que d’autres ?
Christian Têtedoie : Je suis seul propriétaire des trois établissements de l’Antiquaille et de l’Arsenic dans le 3e et suis associé dans tous les autres. La mère Léa (NDLR : sur les quais de Saône) en particulier est en difficulté. Nous avions racheté le local contigu en janvier 2019 et avons fait d’importants travaux pour doubler la surface. Nous avons travaillé six mois dans la nouvelle configuration avant le premier confinement. Ce restaurant est une institution lyonnaise fréquentée notamment par des personnes âges et des étrangers. Deux types de populations que l’on n’a pas vraiment retrouvés au déconfinement. Nous avions donc refermé l’établissement cet été avant de le rouvrir et l’activité commençait à se redresser au moment du deuxième confinement ! On risque de vivre à nouveau un redémarrage compliqué fin janvier et jusqu’à la rentrée.
Il faut maintenant espérer que les gens soient au rendez-vous fin janvier
Bref Eco : Comment s’était passé le déconfinement au restaurant gastronomique ?
Christian Têtedoie : Nous avons pu augmenter la capacité grâce à la terrasse et nous avons fait le plein. Les gens avaient envie de soutenir les restaurateurs. Aujourd’hui, nous sommes à nouveau fermés. Je pense que tout le monde ne se rend pas compte de la situation : une entreprise sans activité pendant cinq mois n’est pas viable. Ceux qui seront toujours là vivront à crédit pendant des années. Il faut maintenant espérer que les gens soient au rendez-vous fin janvier. Mais cela dépendra des règles. Les équipes seront peut-être réduites. Et j’espère que nous ne serons pas les otages des comportements des gens pendant les fêtes qui pourraient conduire à reporter encore l’ouverture.
Bref Eco : Vous vous attendiez à rouvrir au 15 décembre ?
Christian Têtedoie : Bien sûr. Je sais bien que l’on n’a pas le masque lorsqu’on mange mais je pense que l’on aurait pu laisser travailler ceux qui pouvaient ouvrir et aider ceux qui ne pouvaient pas ouvrir à cause des distanciations impossibles. Ici, avec l’espacement que nous avons déjà habituellement, nous n’avions enlevé que deux tables…
Bref Eco : Quel est le bilan d’activité sur l’année ?
Christian Têtedoie : La baisse du chiffre d’affaires est de 60 %. Ici (NDLR : à l’Antiquaille), l’activité a reculé de 1,5 million d’euros au premier confinement. Et de 2,8 millions sur l’ensemble de mes établissements. Tout cela va doubler sur l’année. Pour l’instant, nous n’avons pas eu d’aide. J’espère avoir les 20 % promis par le gouvernement (*). Et personnellement, je n’ai pas de revenus. Mes activités de consulting sont suspendues aussi.
Nous avons obtenu le permis de construire du CFA la semaine dernière
Bref Eco : Parallèlement, vous gérez le projet de CFA de la gastronomie au château de Lacroix-Laval. Où en êtes-vous ?
Christian Têtedoie : Nous avons obtenu le permis de construire du CFA la semaine dernière. Les travaux devraient débuter en février et nous devrions accueillir la première promotion en mars 2022. Il s’agit de changer le rythme des formations. Les jeunes commenceront par trois mois en internat au château avec des cours pratiques et théoriques ainsi que du français, des maths et de l’anglais avec des programmes adaptés. Ensuite, ils partiront dans un restaurant pour obtenir un Bac deux ans plus tard.
Bref Eco : Comment le fonctionnement est-il assuré en termes financiers ?
Christian Têtedoie : D'une part avec les fonds que nous récupérons des contrats en alternance et par le fonctionnement des restaurants (un gastronomique et un bistronomique plus un salon de thé). Nous visons 3,5 millions d’euros de revenus la première année. Le point mort est à 3,8 millions mais nous les atteindrons rapidement. Chaque année, 175 jeunes seront formés gratuitement en partenariat avec le réseau des MOF, des Maîtres cuisiniers et des Toques Blanches.
Bref Eco : Les adultes en reconversion sont aussi concernés…
Christian Têtedoie : Nous aurons toute l'année des classes de 12 adultes (sans internat) aiguillés par Pôle Emploi. Côté débouchés, nous avons déjà signé pour eux un partenariat avec une entreprise de restauration collective.
(*) Les entreprises fermées en décembre doivent bénéficier d’une aide correspondant à 20 % du chiffre d’affaires mensuel réalisé à la même période l’année précédente, avec un plafond maximal de 200.000 euros.