Eric Dellac, dirigeant de la Smad (groupe Fresenius Care) à Savigny.
Fabricant de dialyseurs, la SMAD (Savigny/Rhône) est l’une des trois usines majeures du groupe allemand Fresenius Medical Care. Après un bref ralentissement, la production est repartie, sans inquiétude particulière de la part de son dirigeant Eric Dellac.
Bref Eco : Comment la problématique du coronavirus a-t-elle été abordée dans une grande usine de 800 personnes comme la vôtre ?
Eric Dellac : Il se trouve que notre groupe détient une usine en Italie qui a pu nous sensibiliser très tôt aux gestes barrières que nous avons mis en place dès février. Mais lorsque les écoles ont fermé, ce fut tout de même une vraie déstabilisation. Le personnel de bureau a été mis en télétravail car nous avions anticipé les besoins informatiques mais en production, cela a été plus compliqué. D’autant que nous avons connu un cas de Covid dès le début. Les syndicats ont alors demandé la fermeture de l’usine et, après quelques jours, 150 personnes étaient absentes du fait des gardes d’enfants, de symptômes ou de la peur. La semaine d’après, nous avons reçu des masques de la maison mère et la pression est largement retombée.
Bref Eco : Quel a été l’impact sur la production ?
Eric Dellac : Nous avons une activité médicale que nous ne pouvons pas arrêter. Chaque semaine, 550.000 patients sont soignés avec nos produits ! Il se trouve cependant que nous avions prévu de réduire la production pour diminuer un peu notre stock et donc de fermer un atelier durant quatre semaines. Avec la crise, il s’est arrêté six semaines. Nous réduirons donc l’arrêt estival.
Bref Eco : Quelles sont les conséquences financières de cette crise, pour vous ?
Eric Dellac : Nous n’avons pas été impactés en termes de productivité car nous sommes très automatisés. Mais le coût va être élevé. Si l’on cumule les arrêts maladies, la multiplication des opérations de nettoyage, l’installation des caméras thermiques et la prime de 500 euros, nous allons dépasser le million d’euros.
Bref Eco : Vous attendez-vous à des changements durables, le télétravail par exemple ?
Eric Dellac : Nous avons un accord depuis quatre ans sur le télétravail. Mais le système est un peu rigide et peu utilisé. Nous allons en renégocier les conditions. Je crois que la majorité des employés souhaitent faire un peu de télétravail. C’est une économie de temps, de coût de transport, de stress familial… Et, visiblement, cela n’a pas de répercussion sur la qualité du travail. Ce ne sera cependant pas un gain pour nous mais un coût, car il faudra vérifier la conformité de l’installation chez les salariés et concéder un forfait.
Nous allons aussi favoriser le covoiturage et aller plus loin que ce que nous faisons déjà. Nous travaillons beaucoup à la responsabilité sociétale de l’entreprise. Nous avons un atelier adapté de dix personnes, une cantine gérée par un organisme d’insertion et une école interne.
Bref Eco : D’un point de vue industriel, la crise a-t-elle révélé des faiblesses ?
Eric Dellac : Tous nos composants proviennent de fabricants européens. Mais ces fabricants peuvent eux-mêmes utiliser des composants non-européens. Or, nous avons identifié un risque d’approvisionnement sur un élément fabriqué en Allemagne avec un composant indien. Nous avons donc trouvé une deuxième source que nous allons valider et commander.
Bref Eco : La crise a-t-elle généré en France une crainte de manquer de dialyseurs qui permettrait de mieux vous positionner sur le marché domestique ?
Eric Dellac : Cette crise ne changera rien à notre marché. D’une part parce que les cliniques ont toutes plusieurs fournisseurs. D’autre part parce que certains patients ne tolèrent que tel ou tel dialyseur. Enfin, d’un point de vue des volumes, une réaction française n’aurait pas d’impact car nous fabriquons ici en une semaine l’équivalent d’un an de la consommation du pays. Globalement, il n’y aura pas de réorganisation des usines dans le monde car il n’y a aucun risque de pénurie pour les patients : chaque pays dispose d’un à deux mois de stock. La plupart des usines Fresenius dans le monde utilisent des composants européens acheminés par bateaux.
Bref Eco : Les embauches prévues auront-elles lieu ?
Eric Dellac : Nous prévoyons cent recrutements en douze mois car nous anticipons des commandes. La difficulté sera de pourvoir autant de postes en peu de temps !
SES IDÉES-CLÉS POUR LE REBOND
Propos recueillis par Alban Razia
Cet article a été publié dans le numéro 2422 de Bref Eco.