Camille de Bovis : « Un artiste ne peut exercer son art sans l'intervention de tout un écosystème. »
© Fanny Gaudin
Une forte appétence pour la musique et le spectacle vivant, qu’elle a pratiqués, a conduit l’enseignante-chercheuse Camille de Bovis à se pencher sur le rôle managérial d’un outil essentiel à la bonne tenue d’un opéra : la « conduite ».
« Il existe de la littérature en sociologie de l’art, des écrits sur l’économie d’un spectacle, sur les coûts, les jauges de rentabilité, le marketing pour attirer le public. Mais finalement, très peu d’analyses concernent la structure même d’un spectacle ou d’un orchestre. Alors que c’est un domaine absolument passionnant », relate Camille de Bovis, enseignante-chercheuse à l’iaelyon, après plusieurs mois d’observation, à l’Opéra de Lyon notamment.
Un spectacle, c’est tout un écosystème
« Un artiste ne peut exercer son art sans l’intervention de tout un écosystème : la mise en scène mais aussi la technique, les décors, les costumes, la lumière… Le spectateur assiste à une représentation où tout se déroule parfaitement alors que la complexité de l’organisation est réelle. Le metteur en scène n’est pas l’unique intervenant. La co-construction est permanente pour trouver les meilleurs modus operandi et gérer les risques ou encore la coordination de, parfois, 200 personnes sur un spectacle », poursuit Camille de Bovis.
L’outil utilisé lors de la construction d’un spectacle est la conduite. Il permet de centraliser les informations en temps réel. « Après chaque répétition, le régisseur de scène inscrit dans sa conduite les éléments majeurs de l’action. La phase d’observation que j’ai menée au sein de l’Opéra de Lyon avait pour objet cet outil qui évolue au fil de la production, la façon dont il est utilisé et dont il peut être optimisé. »
La conduite : un outil de base
Camille de Bovis note trois niveaux d’utilisation de la conduite. Le premier concerne le régisseur qui contrôle la production, donne ses top départs par exemple. Le deuxième intervient en cas de situation incertaine ou de perturbation. Le dernier niveau offre la possibilité au régisseur de, justement, se détacher de la conduite pour laisser des espaces de respiration. « C’est un véritable outil d’aide à la décision et de collecte d’éléments de fonctionnement du spectacle, enrichi par le metteur en scène et tous les intervenants techniques. La conduite est transmise en même temps que le spectacle s’il est, par exemple, vendu à une autre salle. »
La scène est un univers complexe
Les résultats de cette observation ont fait l’objet d’une publication de Camille de Bovis et Caroline Hussler, dans la Revue française de gestion, en 2019. L’enseignante chercheuse a relevé deux approches qui pourraient enrichir l’utilisation de cette conduite. « Des captations vidéo ont été réalisées et permettent d’imaginer la digitalisation de la conduite. Autre élément intéressant : la diffusion de la conduite, transmise aux directeurs de chaque entité, pourrait être plus largement diffusée à l’intégralité des participants pour mesurer l’évolution en temps réel. Même si la tradition orale imprègne fortement le monde du spectacle. »
Charlotte Goupille Lebret, régisseuse de scène sur le spectacle « Le Cercle de Craie », conclut : « Peu de chercheurs s’intéressent à notre façon de travailler. C’est dommage car l’univers artistique est une fourmilière complexe et intéressante à étudier. J’ai beaucoup apprécié le fait de savoir qu’un chercheur était présent alors même que nous étions dans le rush du spectacle. »
Stéphanie Polette
Cet article a été publié dans le magazine Connect'iaelyon, rubrique La recherche en action | Opéra de Lyon.