Kathie Werquin-Wattebled, directrice de la Banque de France en région AURA.
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En ce début d'année, nous vous proposons une série d'interviews de décideurs économiques de la région sur leurs espoirs et visions pour 2024. Fin décembre 2023, la Banque de France prévoit une croissance de 0,8 % sur l’année. Ses prévisions pour 2024 tablent sur une croissance de 0,9 % en attendant un rebond franc pour 2025 (+1,3 %) et 2026 (+1,6 %). Kathie Werquin-Wattebled, directrice Auvergne Rhône-Alpes de la Banque de France, analyse ces perspectives.
Bref Eco : Quel est le bilan de l’année 2023 ?
Kathie Werquin-Wattebled : On savait que ce ne serait pas un très grand millésime. Les prévisions de croissance au niveau national étaient à + 0,9 %. Nous serons à + 0,8 %. Ce n’est pas une baisse et on ne peut pas parler de crise. L’inflation a fait grimper les prix, une préoccupation importante pour les particuliers et les chefs d’entreprise. Elle a atteint son pic début 2023 pour une moyenne sur l’année 2023 à 5,7 %. Les taux d’intérêt ont augmenté et ça s’est vu. Les prix aussi, ce qui a pesé sur le pouvoir d’achat des ménages. Il fallait casser cette inflation. La France a choisi son combat : lutter contre l’inflation pour descendre en dessous des 2 % d’ici à 2025. On atteint une certaine stabilité.
Cette stabilité profitera-t-elle aux prix ?
K.W.-W. : Une inflation qui revient à un niveau souhaité a des conséquences positives sur le pouvoir d’achat des ménages. Les entreprises pourront elles aussi s’appuyer sur des marqueurs plus stables et refixer des prix sur du moyen et long terme.
Quelle est la santé des entreprises ?
K.W.-W. : On assiste à une forte hausse des dépôts de bilan ou des redressements judiciaires. Les entreprises se mettent davantage sous protection du tribunal de commerce. Il existe cependant de plus en plus de portes de sortie pour, grâce notamment à la prévention faite par les tribunaux de commerce, s’appuyer sur des solutions de rachat, de regroupement… Les entreprises françaises ont été largement soutenues pendant la crise Covid avec ainsi de dépôts de bilan. Nous revenons à des chiffres post-Covid et un effet de rattrapage. D’un point de vue global, les entreprises françaises évoluent dans un contexte complexe mais elles ne sont pas dégradées et leurs marges ont été maintenues grâce notamment aux aides. 50 % des PGE ont été remboursés. Le solde s’étale sur quatre ans, comme prévu, avec une poursuite en 2024. Le taux de défaut de remboursement des PGE n’est pas plus élevé que pour les crédits classiques.
Comment les entreprises d’Auvergne Rhône-Alpes se portent-elles ?
K.W.-W. : Notre économie régionale se porte plutôt mieux car elle capitalise sur une industrie forte et une représentation de tous les secteurs d’activité. Avec 12 % du PIB national, Auvergne Rhône-Alpes est une petite France. Certains bassins d’emploi sont au plein-emploi avec moins de 4 % de taux de chômage. De très belles entreprises dans la tech, le nucléaire et l’aéronautique ou encore l’immobilier de montagne tirent l’économie régionale et drainent des milliards d’euros d’investissements pour 2024 et les années suivantes. La croissance et les investissements de ces grosses entreprises industrielles bénéficient aussi à tout un réseau de PME très dynamiques.
Quel sera le rôle des banques ?
K.W.-W. : Les banques sont elles aussi en très bonne santé et c’est une bonne nouvelle. Elles peuvent accompagner les entreprises dans leurs projets à courts et moyen terme. Certes elles sont vigilantes mais leur bonne tenue les incite à prêter.
Quels sont les grands défis des entreprises pour 2024 ?
K.W.-W. : La croissance sera encore tristoune et restera en demi-teinte mais je crois à la stabilisation. Sans nouvelle crise, en espérant aucune contagion du conflit israélo-palestinien à la péninsule arabique et au reste du monde, je crois que les entreprises pourront bénéficier d’une année plus sereine. Elles ont cependant toujours un défi très fort : celui du climat. Qui présente aussi d’énormes opportunités pour produire différemment, bénéficier des investissements engagés dans la décarbonation et les transitions climatiques. Voici un challenge avec de très belles opportunités qui embarque les équipes.
Cet article est issu de notre hebdo n°2564, à retrouver ici.