Rosalie Douyon, « Associate Professor » et Maître de conférences à l'ESDES Lyon Business School,
DR Esdes
À l'occasion de la journée internationale des droits des femmes, Rosalie Douyon, « Associate Professor » et Maître de conférences à l'ESDES Lyon Business School, aborde l’entrepreneuriat féminin en reprenant son intervention au Parlement européen sur le même sujet l’été dernier : « L’entrepreneuriat féminin : un levier pour l’égalité des genres et de développement économique ».
Selon le baromètre Infogreffe publié le 8 mars 2022, à l'occasion de la journée internationale des droits des femmes, un peu moins d'un tiers (32,3 %) des entreprises françaises a été créé par des femmes en 2021. Cette étude met l’accent sur le manque de parité dans l’entrepreneuriat et son évolution timide (32,1 % des entreprises ont été créées par des femmes en 2020, et 32,5 % en 2019, selon les baromètres Infogreffe).
Alors que selon l’OCDE (2016), l’entrepreneuriat féminin est un déterminant majeur des performances économiques, s’agissant notamment des progrès venant de l’innovation. Il se concentre sur le développement socio-économique par le biais de l'autonomisation des femmes, de l'égalité des sexes et du bien-être des femmes (Langevang et al., 2015).
Et d’ailleurs, l’entrepreneuriat est perçu par les femmes comme une source d’émancipation (Rindova et al., 2009) et une force créatrice de changement. La contribution de l’entrepreneuriat féminin ne fait plus de doute, les femmes participent à la croissance économique et d’innovations. Elles sont intrinsèquement et extrinsèquement motivées soit par l’indépendance, l’autonomie, l’obtention d’un équilibre entre le travail et la vie familiale ; mais aussi en réaction aux inégalités persistantes vécues sur le marché du travail, pour contrer le « plafond de verre » et pour vaincre le syndrome de l'imposture (le sentiment de ne pas être à sa place).
Des conditions de création plus difficiles
Cette forme de motivation permet aux femmes de dépasser les barrières organisationnelles et sociales, car elles se heurtent à de nombreux freins sociaux, culturels et économiques. Elles disposent souvent d’une base capitalistique plus réduite pour démarrer leur activité, et sont nettement moins susceptibles de bénéficier de capitaux d’investissement privés ou de capital-risque.
Ainsi plusieurs femmes se retrouvent dans l’obligation de l’autofinancement, rendant les conditions de création difficiles, en plus des inégalités liées au genre. À cela s’ajoute les représentations sociales imposant des caractéristiques aux femmes, qui constituent des barrières à l’entrepreneuriat. L’impact de la situation de crise pousse également certaines femmes à douter de leurs compétences et ainsi que les effets de l’instabilité avec la crise sanitaire, géopolitique et économique. Par exemple, les travaux de Graeber et ses collègues (2021), montrent que la pandémie de la covid 19 a permis d’accroître les inégalités chez les femmes en matière d’entrepreneuriat.
Les belles aventures entrepreneuriales féminines existent
Néanmoins il semble important de souligner que malgré les barrières et difficultés, plusieurs femmes réussissent dans l’aventure entrepreneuriale, nous pouvons citer : Céline Lazorthes fondatrice de Leetchi, Catherine Barba Chiaramonti fondatrice de Lab e-commerce/Catherine Barba Group, Lucie Basch fondatrice de Too Good To Go, Seynabou Deng Traore fondatrice de Maya, Julie chapon cofondatrice de Yuka, Lise Gerard fondatrice de LilY Basic, Aïssata Diakité fondatrice de Zamba et tant d’autres.
Travailler à renforcer les aides à l'entrepreneuriat féminin
Aujourd’hui, des dispositifs permettent de faciliter l'accès au crédit bancaire des femmes porteuses d’un projet de création, de reprise ou de développement d’entreprises comme par exemple « La garantie ÉGALITÉ femmes », un dispositif national qui remplace le FGIF (Fonds de garantie à l'initiative des femmes), le plan « entreprendre au féminin » ou encore l’engagement de la France pris lors du G7 de Biarritz (2029), proposant une loi pour l’émancipation économique des femmes. Par conséquent malgré une évolution positive, des différences persistent entre femmes et hommes vis-à-vis de l'entrepreneuriat. À l’instar des inégalités salariales persistantes, l'accès des femmes à l'entrepreneuriat reste une problématique cruciale. Il est ainsi impératif de travailler à faciliter l’accès des entrepreneures au financement, d’agir sur les représentations (orientation genrée dès l'enseignement, stéréotypes de genre et freins culturels...), de renforcer les aides et l'accompagnement des femmes et d’agir sur l'écosystème entrepreneurial.
Cette tribune a été rédigée par Rosalie Douyon et n'engage que son auteur.