Yvan Patet a créé em2c il y a trente ans.
Pierre-Antoine Pluquet
En 30 ans d’existence, le groupe em2c a conçu et réalisé quelque 780 bâtiments d’entreprises dans l’industrie, la logistique et le commercial, aménagé des parcs d’activités et participé à des projets urbains. Pour son dirigeant-fondateur Yvan Patet, l’immobilier entame un virage.
Bref Eco : Que vous inspire la vague écologiste des dernières élections municipales ?
Yvan Patet : La population demande davantage de respect de l’environnement, davantage d’espaces verts et moins de pollution atmosphérique. Mais les nouveaux élus écologistes devront aussi composer avec l’économie et l’emploi : assurer le bien-être social, c’est d’abord assurer un emploi et un revenu à tous. A Lyon, ils en sont conscients, ils savent que les entreprises ont besoin de se développer pour créer de l’emploi.
Bref Eco : En matière de construction, de nouvelles exigences environnementales pourraient-elles s’imposer ?
Yvan Patet : La législation est déjà très complète, voire très contraignante, les préfets ont un vrai pouvoir dans ce domaine. Nous faisons déjà beaucoup, parmi les choses qui sont demandées aujourd’hui par les écologistes. L’étalement urbain, par exemple, qui viendrait à l’encontre de la verticalisation de l’immobilier : nous en faisons depuis bien longtemps. Nous proposons des solutions pour la mixité des quartiers et des villes, pour resserrer les liens sociaux, restaurer l’équilibre entre villes voisines, etc. On pourrait aussi citer les matériaux biosourcés et décarbonés, géosourcés, l’eau, etc. sur lesquels beaucoup de normes existent déjà. Je ne suis donc pas inquiet… si le foncier ne continue pas à augmenter. Car un foncier cher pousse à créer des logements sur très peu de surface, ce qui va à l’encontre des besoins et des envies des gens. Dans ce sens, le projet de création d’une régie foncière métropolitaine, qui pourrait freiner la hausse des prix du foncier, est plutôt une bonne chose.
Bref Eco : Après la crise de la Covid, la demande de logements va-t-elle changer, selon vous ?
Yvan Patet : Oui. Un logement accompagne votre vie. Et on a bien vu, en quelques mois, qu’un logement sans balcon était difficile à vivre. Les gens n’en veulent plus. Le balcon pour tous, ce sera désormais le premier réflexe des constructeurs. Mais il y en aura d’autres. Songez, par exemple, que pour une maison de 115 m2 habitables, on est passé en dix ans d’un foncier de 700 m2 à 400 m2 ! Il y a donc un nouvel immobilier à créer pour le logement. Je crois beaucoup à de petits immeubles de gamme supérieure, plutôt que des petites maisons de ville sans terrain. De même, la verdure devient indispensable : il faudra penser à des jardins collectifs, des murs végétalisés, etc. Des espaces communs à privatiser seront aussi les bienvenus dans les petits collectifs, pour accueillir ponctuellement des amis ou de la famille.
Bref Eco : La Covid a poussé au télétravail qui pourrait avoir dans l’avenir un effet important sur l’immobilier tertiaire. Qu’en pensez-vous ?
Yvan Patet : Il y a certes une nouvelle demande de télétravail de la part des salariés. Mais ne nous attendons pas à un tsunami. Avant la Covid, le télétravail touchait 5 % des salariés, après il va probablement monter à 10-15 %. Un projet de 5.000 m² passera à 4.500 m², ce n’est pas une révolution. Quand des grands groupes parlent de 60 % des équipes qui pourraient télétravailler, je suis très sceptique.
En revanche, la crise de la Covid va pousser les professionnels de l’immobilier à repenser les locaux. Il faudra réduire les grands open space, réfléchir à la ventilation des bureaux… Les réunions se feront en plus petits comités, avec davantage de visioconférences et, bien sûr, de nouveaux réflexes sanitaires.
Bref Eco : Les projets d’immeubles de grande hauteur ont-ils vécu ?
Yvan Patet : Les gens vont-ils continuer à accepter de travailler dans des grandes tours, avec toutes les contraintes qu’elles imposent (ascenseurs, sécurité, confinement…) ? A l’heure de la Covid, l’air conditionné, en particulier, pose de vraies questions. Les smart building, totalement automatisés, ont leurs limites. Plus on automatise, plus on a besoin de maintenance face aux pannes ou aux déperditions d’efficacité. Il faut savoir revenir à des principes simples, au bon sens pour un meilleur confort.
L’environnement a son rôle à jouer : pourquoi ne pas installer, dans les tours de grande hauteur, des jardins ouverts sur un ou plusieurs étages, faisant ainsi « respirer » l’immeuble… et surtout les gens. La question est aussi économique : enlever deux étages de bureaux à un immeuble pour mettre de la verdure en abaisse la rentabilité. On retombe sur le prix du foncier…
SES TROIS IDÉES-CLÉS POUR LE REBOND
Propos recueillis par Didier Durand
Cet article a été publié dans le numéro 2422 de Bref Eco.