On entend ce mot partout. Mot-clé d’une démarche prometteuse qui semble être la seule possible, elle est portée par les prophètes d’une forme de sélection naturelle « ceux qui n’innovent pas, meurent ». On ne se demandera pas si cette idée est pertinente : notre objectif est d’éclairer un concept qui, parce que cuisiné à toutes les sauces, perd peu à peu son sens.
D’abord concept économique : elle est définie chez Schumpeter comme une « destruction créatrice » qui permet à nos économies d’avancer, fabriquant du neuf en détruisant de l’ancien. Il n’y a donc pas d’innovation sans une certaine forme de violence (technique, sociale, historique…). Schumpeter voit dans l’innovation la clé de voute qui relie la stabilité d’un marché à son évolution – sinon sa métamorphose, dans le cas des innovations disruptives. Elle se propage par « grappes » qui irriguent peu à peu différents domaines de l’économie et viennent à bousculer les secteurs traditionnels : c’est ce phénomène que Schumpeter appelle la « destruction créatrice ».
Ensuite il convient de préciser qu’il n’y a pas d’innovation sans son adoption, par un marché ou par des usages, de la nouveauté qui en résulte : autrement dit, innover c’est changer le monde (en partie ou à la marge). Bien souvent d’ailleurs, les innovateurs ne font qu’impulser un changement, mais ne le contrôlent qu’à la marge. Autrement dit, la clé de l’innovation, c’est son adoption : confondre l’innovation et l’invention, ou la créativité, c’est n’en voir qu’une partie : « L’invention représente une nouvelle donne, la création d’une nouveauté technique ou organisationnelle, concernant des biens, des services ou des dispositifs, alors que l’innovation représente l’ensemble du processus social et économique amenant l’invention à être finalement utilisée »1.
À quoi il faut ajouter que l’innovation, d’une part, n’est pas nécessairement nouveauté : elle peut être le fruit d’une recomposition d’éléments existants (ex : le chariot de supermarché est un panier à roulettes). D’autre part, elle n’est pas la résultante d’une mode. Admettons que « la mode est une forme sociale qui cristallise, provisoirement, deux aspirations opposées : se différencier de la masse et être conforme au plus grand nombre »2, autrement dit un phénomène qui, lorsqu’il atteint à son paroxysme de diffusion, s’autodétruit parce qu’il se contredit. De fait, l’innovation ne saurait être une mode puisqu’elle existe d’autant plus qu’elle se répand.
Enfin, l’innovation n’est pas un concept exclusivement réservé à une lecture capitalistique de l’économie : l’un de ses penseurs les plus éminents, Schumpeter donc, était également un antilibéral, pensant que le marché n’avait pas de vertu autorégulatrice, et faisait de l’innovation l’un des moyens d’une incarnation de l’économie traçant la route d’une marche inéluctable vers le socialisme.
1 Norbert ALTER, Les logiques de l’innovation.
2 Georg SIMMEL, Philosophie de la mode.
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