Amélie Bohas.
© David Venier - Université Jean Moulin Lyon 3
L'alimentation à base de produits locaux est devenue une préoccupation pour nombre d’acteurs économiques, qu'ils soient producteurs ou consommateurs, collectivités ou associations. Les circuits courts sont à l’ordre du jour. Mais des limites apparaissent, en particulier en ce qui concerne leur logistique, qui peuvent freiner leur développement.
Crise d’approvisionnements lors de la crise du Covid, conséquences de la guerre en Ukraine, bilan carbone désastreux de produits fabriqués au bout du monde, réindustrialisation : pas de doute, les analyses et les mentalités changent, souvent sous la contrainte. La notion de souveraineté est dans toutes les bouches. Les consommateurs demandent davantage de produits alimentaires locaux et de saison, tandis qu’une partie des producteurs est prête à s’engager sur des modèles plus durables et respectueux de l’environnement. Concrètement, on a vu se multiplier, ces dernières années, de nouveaux modèles de distribution de proximité : AMAP (Association pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne), marchés et magasins de producteurs locaux, vente à la ferme, distributeurs automatiques de produits alimentaires... Or, cette évolution demande une profonde réorganisation des circuits de distribution et, dans ce domaine, tout n’est pas encore en place, loin de là.
Beaucoup d'agriculteurs sont prêts à changer de modèle
Maître de conférences en sciences de gestion à l’iaelyon et membre de son Comité de direction, Amélie Bohas participe à un projet de recherche retenu par l’ANR (Agence Nationale de la Recherche) à hauteur de 449000 euros et qui s’étire sur quatre ans. Le sujet: « Optimisation logistique des circuits alimentaires de proximité ». Une quinzaine de personnes, issues de plusieurs universités françaises (Lyon, Grenoble Alpes, Tours, Troyes), vont donc plancher sur l’un des enjeux majeurs du développement des circuits courts alimentaires.
« Beaucoup d'agriculteurs sont prêts à s'affranchir, au moins partiellement, des grands réseaux de distribution pour passer à un modèle moins productiviste. Ils sont sensibles aux questions environnementales et apprécient énormément la relation directe avec les clients qui les valorise et leur redonne confiance. » Mais ce nouvel engagement commercial leur demande du temps et une nouvelle organisation, pas toujours très bien évalués, ou seulement à l’aune du « bon sens paysan. » Horaires et lieux de livraison, volumes à fournir, transport et stockage, contrats. avec les clients de proximité, c’est une autre façon de travailler qui émerge auprès d’autres circuits de distribution, chacun ayant sa logique de fonctionnement. « Par exemple, fournir des restaurateurs impose des contraintes particulières, ne serait-ce que celle de l’accessibilité en ville », détaille Amélie Bohas.
Mieux organiser les livraisons
Progressivement, des solutions se construisent pourtant, souvent sous la houlette des collectivités locales. En quelques années, les Plans Alimentaires Territoriaux se sont multipliés, comme à Lyon. Des plateformes de distribution apparaissent, comme Agrilocal 01 dans l’Ain destinée à la restauration collective, tandis qu'apparaissent des forums de l'alimentation locale. Certaines coopératives agricoles, comme dans les Monts du Lyonnais, ont depuis longtemps ouvert leur propre magasin. De son côté, la recherche entamée à l’iaelyon apportera sa pierre à l'édification d’un nouveau modèle économique qui se cherche. Les réflexions menées et les outils qui en découleront contribueront à optimiser les nouveaux flux de produits agroalimentaires locaux, aujourd’hui laissés à une organisation trop aléatoire.