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Jeudi 25 Avril 2024

Edition déléguée AVEC Connect'iae lyon

Le long chemin de la RSE

Anna Mineeva, doctorante au Centre de Recherche iaelyon Magellan - Darrell High, responsable de Nestlé Cocoa Plan.

Anna Mineeva, doctorante au Centre de Recherche iaelyon Magellan - Darrell High, responsable de Nestlé Cocoa Plan.

Dans le cadre de sa thèse de doctorat centrée sur la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE), Anna Mineeva se penche sur le travail des enfants au sein de la filière cacao. Pour cela, elle est allée interroger un grand acteur mondial du secteur : Nestlé.

Alors qu’elle a déjà réalisé une vingtaine d’entretiens pour sa thèse, Anna Mineeva est allée solliciter l’un des plus grands groupes mondiaux de l’agroalimentaire, le Suisse Nestlé (300 000 salariés dans le monde) dont le siège social est installé sur les rives du lac Léman, à Vevey.

Gros fabricant de produits chocolatés, Nestlé a été la première entreprise de son secteur à introduire une surveillance pour l’éradication du travail des enfants, dans le cadre de son Cocoa Plan. L’édition 2019 de son rapport sur le sujet, un document de 40 pages qui décrit les actions menées concrètement par le groupe, apporte un message clair : « Nous avons trouvé 18 000 enfants effectuant des travaux dangereux et nous n’en sommes pas fiers, mais nous avons pu améliorer leurs conditions de vie (…) Nous les aidons à cesser de participer à des activités inacceptables et, quand cela s’avère nécessaire, nous les aidons à accéder à une éducation de qualité. »

Travail des enfants : des causes multiples

Comme la plupart des chocolatiers, Nestlé achète son cacao aux coopératives locales de fermiers. Et n’a donc qu’une prise indirecte sur les conditions de travail et l’organisation des exploitations. Combattre le travail des enfants, c’est d’abord en comprendre les causes.

Elles sont d’abord économiques et démographiques : face à la pauvreté, les campagnes souffrent d’un exode rural et voient partir leurs forces vives, les cultivateurs ont donc besoin de leurs enfants pour travailler dans les champs. Les infrastructures sont aussi pointées du doigt : dans les zones rurales, les écoles sont peu nombreuses et loin des villages, lesquels n’ont souvent pas l’électricité… difficile pour les enfants d’étudier.

Les freins peuvent enfin être culturels : comme la croyance selon laquelle les enfants doivent s’endurcir, que porter des charges lourdes les aidera à développer leur force musculaire alors qu’il est prouvé que cela nuit à leur colonne vertébrale ; ou comme la volonté des parents de leur préparer assez tôt une formation utile et pratique de cultivateur.

Une chaîne de mobilisation

Darrell High a dirigé pendant douze ans le Nestlé Cocoa Plan et il connaît bien la Côte d’Ivoire et le Ghana. Homme de terrain, travaillant aussi sur les questions de déforestation et de bonnes pratiques agronomiques, il est conscient que l’éducation est un sujet central : « Nous avons construit 49 écoles, des cantines, des puits, plus de 80 écoles-passerelles et distribué des kits scolaires. » Mais si volontaires soient-elles, les actions menées par Nestlé ne peuvent pas, à elles seules, résoudre la question du travail des enfants. Celle-ci doit mobiliser tous les acteurs concernés… et il sont nombreux : gouvernements, autorités locales, communautés, coopératives et autres fournisseurs, ONG bien sûr, et les enfants eux-mêmes.

Un juste retour

Pour Anna, la prochaine étape est peut-être celle d’un déplacement en Afrique. En attendant, elle est très reconnaissante à Darrell High pour les longs échanges qu’ils ont eus ensemble.

Et s’interroge : comment se fait-il qu’un groupe comme Nestlé ouvre ses portes à une jeune étudiante de l’iaelyon ? La réponse de Darrell est pleine de bon sens : « Quand j’étais étudiant, j’ai fait des thèses et de nombreuses personnes m’ont aidé. Et puis, j’ai une fille… peut-être qu’un jour, elle sera, comme Anna, à la recherche de gens pour l’aider dans un travail de recherche. » Rien à ajouter.

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